COMPARO DS/404 - DEUXIEME MANCHE: l'essai sur route, par Tungstène

(Je laisse la parole à Tungstène, notre essayeur technique officiel. Dr Danche)

Pour cette deuxième manche avaient été réunies, début Février à Bourges, une DS19 1961 (celle de Danche, bien connue depuis le hors série du Dancho-journal qui lui fut consacré) et une Peugeot 404 1964 (celle d'un certain Jean-Marc), afin de mener à bien des comparaisons exhaustives, à la fois mécaniques et esthétiques.

Le Dancho-journal recrutant plûtot des puceaux efféminés, esthètes auto-proclamés, experts en chiffons ou en Photoshop, c'est en légionnaire solitaire, parachuté en rase campagne, que je dus mener l'essai sur route.

A vrai dire, la tâche n'était pas pour me déplaire, foi de Tungstène, car c'est dans l'adversité et la solitude que l'on apprend à mieux se connaitre et à encore plus s'aimer. Seul donc assis dans la propulsion sochalienne, au bord d'un lac isolé et lugubre de la banlieue de Bourges, je me trouvais face à mon destin de journaliste automobile. La clé dans une main, l'autre sur mes attributs, je mis le contact.

Le cinq paliers (apparu en 64, c'est donc là un des tout premiers) toussota doucement, s'ébroua. Pleins phares - Première.

Pour la suite de cet article, je me plierai aux règles imposées par Danche: "en trois points, comparer DS et 404". Soit.

Circuit autour du lac: 5 km (au crépuscule)

Les impressions à bord sont excellentes. L'habitacle, lumineux, est d'un accueil chaleureux et confortable. Sorte de fantaisie baroque, le volant est curieusement placé de biais par rapport au pilote, mais après tout, pourquoi pas, finalement moi aussi, je porte à gauche.

D'entrée, une surprise, sur ce modèle de 1964 et contrairement aux 404 plus récentes, la première est vers le bas, selon une grille de vitesses assez naturelle au fond, mais peu standard. Mais peu importe, j'en ai vu bien d'autres.

Ensuite, de façon générale, sur ce modèle, il faut un peu "chercher" chaque vitesse, mais comme sur n'importe quelle ancienne, le coup se prend vite, et la voiture reconnait vite son nouveau maitre.

Une fois ma main assurée, nouveau constat: le tourne-broche, poussé dans les tours, réagit diantrement bien, donnant à notre allure une excellente vivacité.

Et puisqu'il faut comparer à la DS lors de ce tour de circuit, alors comparons, et sans faux-fuyants. La langue de bois, moi, je ne connais pas.

Ah! Dieu que cette petite 404 nous change de la conduite pépère et mollassonne d'une DS à boite hydraulique. Combien en ai-je essayé pour le Dancho-journal, de ces satanées DS à boite hydraulique! Première au sélecteur (au passage, bonjour l'ergonomie: voir la photo ci-contre)- j'attends - seconde - j'attends etc. Sauf à règler "grand sport" la BVH, et lui donner alors l'espérance de vie d'un papillon exotique, impossible de trouver là la moindre sensation forte.

Oui, je l'écris solennellement ici, et sous le regard sans doute surpris de nos milliers de lecteurs: la DS BVH ne m'offre aucun plaisir de conduite. Oh, certes, je connais le lectorat du Dancho-journal, et je me dois d'ajouter vite, sous peine de lynchage sommaire, que la Citroën compense cela par d'autres points forts qui l'ont rendue mythique: son confort, son freinage, sa tenue de route. Mais, au delà du problème lié à ce putain de sélecteur, quand on appuie sur le champignon (trop mou), il n'y a rien, ou alors un peu, mais avec retard. Un dépassement un peu viril sur une petite route, ou une compet' de démarrage au feu rouge en faisant crisser les pneus, ça, c'est vraiment trop lui demander, à la DS19.

Or, là, en 404, à dépasser à vive allure dans la nuit les berruyers (noirs, forcément), je prenais mon pied comme peu de fois dans ma vie pourtant bien remplie.

Pour conclure, je mentionnerai que le point de départage attribué par Danche dans la première manche de ce comparo au "démarrage en trombe" de la DS montre bien que "l'âge ingrat", c'est du cinéma.

DS 0 - 404 1

Autoroute : Bourges - Vierzon - Orléans - Vierzon - Orléans - Vierzon - Bourges (280 km de nuit)

La 404 de l'essai nous propose un 4 cylindres à culasse hémisphérique qui émarge à 72ch. On se souvient que la DS de Danche est une 83 cv. "C'est une 61, mais d'après Mars", comme il aime à le répéter. La différence de puissance devrait donc en principe devenir sensible sur autoroute. Le convoi quitte donc Bourges et prend la direction de l'A71 direction Orléans, via Vierzon.

Je choisis la 404 pour commencer, après tout c'est elle la "guest star" de ce numéro. Nous croisons alors rapidement à un bon 130, dans un agréable bruit feutré, grave et rauque, évoquant une de mes conquêtes récentes, je vous passe les détails. Sur la file de gauche, la main caressant la sobre sellerie, j'écoute distraitement les grandes ondes sur mon poste, profitant d'une tenue de route honorable malgré la neige éparse. Un relevé de consommation fourni par le propriétaire est confirmé par les mesures sur place chez Esso: 9 litres aux 100. J'ose le dire, tout le prouve, je suis à bord d'une voiture résolument moderne. Un seul bémol: le freinage reste (un peu) en deçà.

Au retour d'Orléans, je prends la DS 1961 de Danche. Hélas, je ne sais déjà que trop les caractéristiques de la bête. Passé 120, les vibrations commencent, le bruit devient omniprésent, et explique finalement l'absence sur le tableau de bord de tout emplacement pour un auto-radio. La DS (et encore nous avons là une "amélioration" du premier moteur) est manifestement sous-motorisée par rapport à son poids, à tous les régimes, et y compris à grande vitesse. Décidément, c'est bien une voiture pour cortèges officiels, pas question de décoiffer les messieurs en complets noirs. Et puis je ne me suis jamais fait au champignon de frein: obligé de retenir le poids de son pied pour pouvoir doser. Avec des chaussures un peu lourdes, les après-ski aux sports d'hiver par exemple, impossible de le sentir. Le ski en Citroën, c'est en ID, ou en CX.

A la station Total, où la DS me confirme un traditionnel et raisonnable 10 litres aux 100, le destin (ou la fatalité) me fait rencontrer deux charmantes auto-stoppeuses, qui souhaitent aller sur Orélans. Bah! Ce n'est pas trop mon chemin, puisque j'en viens, mais après tout tant mieux, la comparaison avec la 404 se fera ainsi exactement sur la même route: demi-tour donc. La DS tangue doucement dans la nuit, et, malgré le peu d'éclairage intérieur (les pseudo "fontaines lumineuses" de la DS 1961 ne permettent pas de distinguer quoi que ce soit), je vois mes passagères pâlir. Je soliloque, elles restent silencieuses et blèmes, le trajet semble interminable, jusqu'à une nausée finale de ma copilote qui me vaudra au retour d'essai les foudres de Danche sur son sempiternel, fragile et hideux "helanca". Putain de suspension à la con qui m'a fait perdre la face.

Après des adieux courtois aux jeunes filles décomposées, je reprends la route, mais la pluie mêlée de neige se remet alors à tomber: les essuie-glace à balayage antédiluvien laissent une énorme partie non essuyée, en plein centre du pare-brise. C'en est trop, je m'arrête sur le bas-côté, et je demande à reprendre la 404.

DS 0 - 404 2

 

Ville (Bourges by night)

La messe est dite. En manoeuvre de parking, la DS est tellement laborieuse (première - j'attends - marche arrière - j'attends .., le tout avec des a-coups si elle est trop chaude, ou trop froide) par rapport à l'agile Peugeot.

En vivacité, la Peugeot se faufile dans le trafic, toutefois assez peu dense, reconnaissons-le, à cette heure avancée en province. Dans un dernier démarrage au feu, je gratifie les passagers de la DS (Danche, Jérôme et le bienheureux Jean-Marc) d'un geste obscène éloquent, qui solde ce comparo foireux.

DS 0 - 404 3


Epilogue

Oui, je préfère la 404 1964 à la DS19 1961. Et de loin.
Une DS21 ou DS23 (mieux motorisée), Pallas (mieux insonorisée), et à boite mécanique (évidemment) tiendraient bien mieux la comparaison face à cette 404.

Le compromis idéal trouvé en fin de production par Javel, est d'ailleurs, et on le sait bien, la DSuper5, à boite manuelle 5 vitesses et moteur de DS21.

Et, au risque de choquer les puristes qui fagocitent le CESCQUAL (Club des ESthètes Citroën du QUArtier Latin), mon mot de la fin sera l'expression de ma préférence actuelle automobile, teintée de bon sens, qui va à ma bonne vieille DSuper5, pallassisée, pour pouvoir quand même profiter du luxe infini du cuir et des moquettes Pallas qui correspondent mieux à l'idée que je me fais du luxe à la française. En voici deux photos ci-contre.


signé Tungstène, de Bourges, pour le Dancho-journal

 

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La 404, à l'issue de ce surprenant "coming out" de Tungstène, dont on pardonnera les expressions triviales et les opinions parfois bas de gamme, égalise donc à une manche partout avec la DS. Par conséquent c'est la troisième manche qui devra départager les candidates. Dr D.


Lire la troisième et dernière manche