<Tribune Libre>
Eloge de la DS, par Ivan
Les quelques lignes qui suivent serviront d’introduction à ma réflexion du jour : faites rouler vos DS messieurs. Contrairement à la plupart des « anciennes », elles ne demandent que cela !
Nos lecteurs les plus fidèles se souviennent peut-être de la lettre ouverte que j’avais adressée à ce « Monsieur Maurice », de bien mauvaise compagnie (consulter pour cela ce lien). Notre éminent spécialiste ès nuanciers avait fait connaissance de ce personnage peu recommandable il y a quelques mois, sur un forum animé par des individus aussi snobinards qu’ignorants, le « Blenheim gang ». L’exacte antithèse du CESCQUAL en somme, où nous cultivons la simplicité entre gens d’esprit.
Ce « Monsieur Maurice » donc (j’emploie les guillemets comme on le ferait de pincettes) , s’était permis des commentaires particulièrement déplaisants sur la DS. Ils dénotaient chez leur auteur une ignorance crasse du modèle : son argumentaire était d’une rare indigence, et ses propos empreints d’une prétention assez phénoménale.
Il semble d’ailleurs que chez ces messieurs du « Blenheim gang », la sophistication soit la posture à adopter. A les lire (et croyez-moi, c’est par pure conscience professionnelle que je m’impose ce pensum), on ne devrait rouler qu’en Lambo « Miura », Jaguar « XK » et autres pièges de cristal. Naturellement, ce sont là propos de jobastres : je suis à peu près convaincu que la majorité des adeptes de cette secte se déplace en « Golf » ou « Clio » mazoutée. Mais qu’importe, on s’astique le manche en tenant de la main libre le dernier numéro de « Classic cars », et en rêvant devant des divinités automobiles. Précision utile : chez ces gens-là, on se pique d’anglophilie. Eh oui, une anglaise, c’est tellement plus chic.
Eh bien non messieurs, justement, l’amour de l’automobile ancienne de qualité, ce n’est pas cela.
Si l’on en revient à la finalité d’une voiture, c’est de pouvoir se déplacer avec, sans craindre la panne à chaque sortie, et sans y laisser non plus son pantalon. Pour avoir un moment « entretenu » une « diva de la route » (je l’entends au sens où l’on entretient une maîtresse particulièrement vorace), je puis vous dire que l’on en revient.
Comment pourrais-je oublier ces séances, le samedi matin, lorsque je revenais chercher l’engin chez mon escroc…euh, mon garagiste, lequel me délestait à chaque fois de quelques billets de mille…Et ces sueurs froides, lorsqu’ en plein trafic, le moteur décidait de s’arrêter, et qu’il me fallait pousser le monstre, au péril de ma vie, rasé par les 38 tonnes.
Ah oui, c’est beau une rampe de carburateurs, c’est magnifique une belle culasse « double arbre » (et encore plus s’il y en a deux…), mais quarante ans après, est-ce que ça marche toujours très bien, et à quel prix ?
Et j’en arrive au cœur de ma démonstration : la facilité d’utilisation d’une automobile ancienne (fiablité, qualités routières, budget d’entretien…) ne constitue-t-elle pas un paramètre essentiel pour en évaluer tant sa valeur que son agrément ? Sans déflorer la fin (mais vous la devinez un peu), la DS de ce point de vue n’est-elle pas un modèle du genre ?
Fiabilité générale
Puisqu’il s’agit d’elle, commençons donc par un examen de la fiabilité générale que peut offrir une DS.
« De son vivant », celle-ci a toujours été critiquée pour sa motorisation, assez rustique il est vrai. Je ne reviendrai pas sur les raisons qui ont fait finalement adopter par Citroën une simple évolution du moteur de la 11 CV. Même si au cours de sa carrière la puissance a quasiment doublé, il est incontestable que la DS n’a jamais offert un moteur à la hauteur de ses qualités dynamiques. Mais cette faiblesse congénitale due à la relative simplicité de sa mécanique, ne représente-t-elle pas aujourd’hui un avantage ?
Entendons-nous souvent des « déessistes » se lamenter sur le fonctionnement erratique de leur moulin, ou pire, d’une casse pure et simple ? C’est ma foi fort rare. De ce point de vue, il faut bien reconnaître que les versions « injectées » sont un peu moins bien loties, mais globalement, ces moteurs ont un caractère particulièrement conciliant. Moyennant un entretien minimum, l’heureux conducteur d’une DS se verra exonéré des problèmes de carburation, d’ovalisation de chemises, de coulage de bielles, de culasse fendue et autres misères plus ou moins ruineuses.
Et puis il faut tout de même relativiser le propos : si la DS, toutes versions confondues, ne se caractérise pas par des accélérations très brillantes, elle offre en revanche, sur les modèles les plus puissants tout au moins, des reprises assez vives. Surtout, et c’est finalement ce qui compte, elle permet de « croiser » sans problème aux vitesse légales.
Parallèlement, il est intéressant de replacer les choses dans leur contexte : quelles voitures de grande diffusion, dans les 60 / 70 disposaient de mécaniques un tant soit peu brillantes ? A part les Alfa et leur fameux « Bialbero », et à un degré moindre les BMW, on ne trouve pas grand-chose d’intéressant (Cf. les anglaises qui étaient à peu près toutes équipées de mécaniques d’avant-guerre). Encore une fois, on ne peut pas évoquer ici les Maserati, Ferrari et autres monstres sacrés, dont les coûts d’entretien sont tout simplement prohibitifs, ce qui gâche tout de même un peu le plaisir. Bref, la légende noire qui voudrait que de tous temps une DS, « ça s’est traîné », demanderait à être revue.
Après avoir évoqué le cœur de la mécanique, passons rapidement sur les équipements périphériques. Ici encore, le constat est très favorable. Quoiqu’en disent ses détracteurs, le circuit hydraulique tout d’abord, correctement suivi, est d’une parfaite fiabilité (en LHM. En LHS, c’est une autre affaire.). Quant aux organes secondaires, au circuit électrique, que dire sinon qu’ils présentent une tenue dans le temps très au-dessus de la moyenne (comparativement notamment aux italiennes ou aux anglaises).
Dernier point, crucial, après ce rapide tour d’horizon, ce sujet que l’on ose à peine aborder : celui de LA ROUILLE. Ah, que n’a-t-on pas écrit sur cette gangrène qui ronge nos autos…Là, impossible de nier, une DS, ça pourrit : ça commence par des taches de rousseur, et ça finit en millefeuilles d’oxyde de fer. Bon, d’accord, mais connaissez-vous une seule voiture de cette époque qui ne soit pas atteinte par cette maladie ? Moi pas.
Ce rapide exposé, étayé cependant par de multiples exemples vécus, nous montre que la DS est l’exact opposé d’une boîte à chagrin. Moyennant un entretien régulier mais modique, et sous réserve évidemment de ne pas être tombé au départ sur un « nanar », cette voiture vous laissera très rarement au bord de la route.
Alors, solide la DS ? Assurément, mais si ce n’était que cela…
Qualités routières
Eh oui, au risque d’enfoncer une porte maintes fois ouverte, comment de pas rester coi devant le comportement exceptionnel de cette voiture, conçue il y a plus d’un demi-siècle ? Car c’est bien joli d’avoir une mécanique de rêve sous le capot, si c’est pour l’habiller avec une caisse à savon…
Quel plaisir d’ « enrhumer » plus puissant et plus huppé que soi ! Combien de fois ai-je ainsi assez proprement déposé roadsters anglais, coupés italiens ou berlines allemandes, dont les conducteurs semblaient se tétaniser à la vue du premier virage, de la première goutte de pluie.
Rien de plus triste que ces « anciennes » se traînant à cent à l’heure sur la file de droite, menées avec la plus grande prudence par leur propriétaire. Voilà bien une attitude qui ne sied pas à la DS. A son volant, inutile de la traiter comme une grand-mère : n’ayez pas peur de cravacher un « cinq paliers » (avec un « trois », la mesure est sans doute plus indiquée, même si le Docteur n’amuse pas le terrain avec sa 61), de rentrer fort dans un virage, de « taper » dans les freins. Sauf à vraiment faire le zouave, il ne vous arrivera rien.
Et c’est bien ce qui est incroyable avec cette voiture : elle accepte d’être conduite comme une « moderne ». Quoi de plus assommant que ces vieilleries que l’on se doit de mener avec la plus grande circonspection, de peur de claquer un joint de culasse, ou tout simplement de finir au fossé…
En guise de conclusion
J’espère que ces quelques paragraphes auront convaincu les plus sceptiques d’entre vous. J’ai la faiblesse de croire cependant qu’une majorité de nos lecteurs est déjà acquise à la cause, et au diable les imbéciles qui auraient encore le culot d’affirmer que la DS est une voiture « vulgaire ». Je leur laisse leurs bousins pissant l’huile et avançant en crabe.
Un signe d’ailleurs ne trompe pas : l’étonnante cote de popularité dont jouit la DS sur le marché de la collection. N’est-elle pas devenue en quelques années l’une des berlines les plus recherchées, et partant, les plus chères ?
Alors messieurs, plus qu’une chose à faire : à vos volants !
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