lettre ouverte à Monsieur Maurice Et là, à ma grande stupéfaction, je lus, sous la plume du mauvais "Monsieur Maurice", le texte suivant qui concluait un chapelet de remarques déplacées sur cette automobile d'exception qu'est la DS:
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Cher Monsieur Maurice, Je réagis un peu tardivement à votre post du 13 juin dernier, n’en ayant pris connaissance que très récemment. Si la fiabilité de mes informateurs est exemplaire, leur célérité ne se trouve pas toujours au même niveau. Quoi qu’il en soit, en tant que membre fondateur et porte-parole du CESCQUAL (Club des Esthètes Citroën du Quartier Latin), je ne peux laisser de telles idées (pour ne pas parler d’inepties) pénétrer des esprits un peu faibles. A en juger par votre effigie et votre nom de scène, l’on serait tenté de déceler en vous un homme de goût. Ah, cher Maurice Ronet…Quel acteur…Et quel bel homme, aurait ajouté un ancien et très médiatique ministre de la Culture. A vous lire pourtant, si vous semblez témoigner d’un jugement assez sûr en matière cinématographique, je crains qu’il n’en aille pas de même dans le domaine de l’automobile de qualité. En effet, votre réquisitoire contre la DS me paraît tomber totalement à côté de la plaque. Je le reprendrai donc, si vous le voulez bien, point par point. Tout à trac, et sans d’ailleurs la moindre argumentation, vous nous assénez pour commencer que la DS est « vulgaire ». Fichtre. Si la formule n’était pas si galvaudée, je serais tenté de vous répondre : « C’est un peu court jeune homme. ». Mais que diable trouvez-vous donc de « vulgaire » dans cette voiture ? Sa ligne ? Ma foi, connaissez-vous beaucoup d’automobiles ayant été dessinées par un sculpteur, lequel est aujourd’hui reconnu (son pays natal lui a même consacré un musée), et ayant reçu les plus grandes récompenses internationales précisément pour son design ? Le choix de certains matériaux ? Certes, nous ne sommes pas en présence d’une Bentley de la grande époque, mais nous parlons ici d’une voiture de grande diffusion, pas d’un carrosse de nabab. Non, vraiment, je ne vois pas ce que vous voulez dire. A moins que, sans l’évoquer, vous ne fassiez allusion à certains utilisateurs (je n’ose parler d’amateurs) à nuque longue et nez rouge ? On ne peut nier que la DS atterrit parfois entre des mains peu recommandables, mais n’est-ce pas le sort des plus grandes œuvres d’art, dès lors qu’elles deviennent accessibles au grand public ? Mais j’en viens au cœur de votre raisonnement (un peu broussailleux il faut bien l’admettre) : à vous en croire, la DS ne serait au fond qu’une voiture d’ingénieurs, conçue à coup de millions, et dont les solutions techniques pourraient se résumer à l’adage : « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ». Jeune homme, j’ai bien l’impression que votre culture automobile présente quelques failles. Si vous aviez seulement eu la curiosité d’esprit de vous pencher sur la genèse de la DS, vous auriez sans nul doute découvert qu’une petite équipe très restreinte fut à la base du projet. Paul Magès et André Lefebvre ont travaillé avec des bouts de tuyaux et des pots de confiture percés, et j’exagère à peine. En cela d’ailleurs, ils s’inscrivaient en plein dans la démarche d’un autre sorcier que vous citez, Amédée Gordini. Vous soulevez la question du moteur, sans grande noblesse je vous le concède. Ici encore, si vous étiez un peu plus renseigné, vous sauriez que c’est la maladie d’André Lefebvre qui a poussé ce dernier à précipiter la sortie de son « bébé », coupant court ainsi aux travaux de Walther Becchia qui travaillait sur le six cylindres à plat qui devait équiper au départ la DS. C’est bien dommage, mais l’histoire est faite d’occasions manquées. Quant aux solutions techniques retenues, il suffit de prendre aujourd’hui le volant d’une voiture contemporaine de la Citroën, pour se convaincre – si l’on fait preuve d’un minimum d’honnêteté intellectuelle-, de leur pertinence. Cinquante ans après, une DS, ça freine, ça tient la route, et c’est somptueusement confortable. Essayez donc une Jaguar de la même époque… Vous établissez un parallèle avec l’ « école anglaise » : des petits roadsters rustiques (pour ne pas dire archaïques) et économiques. La solution semble avoir votre préférence. C’est naturellement votre droit le plus strict, et j’avoue pour ma part ne pas être insensible aux courbes d’une MGA, ou au rugissement d’un XK « straight port ». Mais soyons sérieux : ces voitures étaient de vraies caisses à savon, ne freinaient pas, étaient inconfortables au possible, et d’une fragilité à toute épreuve. Pour avoir possédé un certain nombre d’automobiles de race (Alfa, Lancia, Porsche, et à un moindre degré BMW ou Mercedes (je dis cela car ce sont des marques que je n’affectionne pas particulièrement)), je pense pouvoir être en mesure de porter des jugements plutôt étayés. S’agissant de la DS, je le clame à la face du monde : elle ne se résume pas à un effet de mode. C’est une des (si je m’écoutais je dirais que c’est LA) voitures les plus extraordinaires jamais produites : ligne somptueuse, qualités routières hors normes. Cela fait déjà beaucoup non ?
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