Le comparo de Juillet, par Ivan (textes) et Jérôme (graphisme)

Je devais vous présenter initialement un match entre deux authentiques sportives, à savoir « GSA X3 » contre « Visa Super X », mais l’article nous a été refusé au dernier moment par Danche. Allez savoir pourquoi, encore une lubie du Docteur…

(Pour ceux de nos lecteurs qui seraient néanmoins intéressés, ils peuvent écrire au journal, qui transmettra.)

La rédaction du Dancho-Journal n’étant jamais prise au dépourvu, nous avons organisé au débotté cette confrontation plus classique : « DSuper » contre « DS 21 Pallas ». Ces premiers jours (maussades) du printemps (NDDrD: j'ai un peu trainé pour sortir le Danchojournal de Juillet...) étaient il est vrai l’occasion idéale de se « dégourdir les gamelles ». Dans ce cas précis, il s’agit d’ailleurs d’une figure de style, car les deux protagonistes de ce comparatif ne sont pas à ranger dans la catégorie des automobiles d’apparat. Leurs propriétaires respectifs mettent en effet un point d’honneur à les faire rouler toute l’année, n’hésitant pas à abattre à l’occasion, pied à la planche, leurs huit cents kilomètres dans la journée.


Présentation

Commençons par la « 11 cv ». Comme vous le savez peut-être, je ne suis pas un inconditionnel de ces modèles. J’avais commis il y a quelques années un article resté fameux (voir à ce sujet le premier numéro du D-J, toujours consultable sur le site, mais hélas épuisé dans sa version papier), dans lequel je parlais des « DSuper » et « DSpécial » en des termes peu amènes. Inutile de vous dire que ces quelques lignes avaient déclenché un véritable tollé parmi nos lecteurs, et une vague de désabonnements assez impressionnante. Plus grave, le siège du journal avait été la cible de plusieurs actes de vandalisme, jusqu’à la pose d’un engin piégé, fort heureusement désamorcé à temps.

Mais revenons à nos moutons. Le modèle du jour présente l’immense avantage d’être du millésime 71 : on échappe ainsi au volant mousse hideux, « façon GS », ainsi qu’aux navrants panneaux de portes des versions suivantes (72-75). A bien y regarder d’ailleurs, les différences à l’intérieur avec une DS Confort sont assez minces : même tableau de bord, mêmes sièges, et mêmes panneaux de portes donc. Sans rentrer dans le domaine de l’infinitésimal que je laisse au Professeur Pétriman, disons pour faire vite que le ciel de toit est spécifique (plastifié, assez moche, mais dont la propension à pendouiller semble beaucoup moins prononcée que lorsqu’il est en tissu), ainsi que les poignées, faites de plastique gris. Un peu « cheap », mais toujours mieux que ces poignées chromées qui partent en « capilotade », et que l’on voit trop souvent sur les DS.

 

Cette revue de détails étant faite, on ne peut que s’étonner devant le remarquable état de conservation de l’intérieur : seules les fausses coutures dont sont affublés les sièges ont partiellement disparu. Cela tombe plutôt bien, c’est assez vilain. En tout cas, le tissu rouge sied parfaitement à la voiture, et apporte une touche de gaieté à un habitacle qui en manque singulièrement sur ces millésimes 70-75. Et même si le jersey de ces versions ne présente pas un toucher aussi agréable que le « Rhovyline », il vaut cent fois l’infâme « skaï » dont héritent malheureusement souvent les modèles économiques de la gamme « D ».

Un mot sur la carrosserie : la teinte, blanc Meije, n’est pas à mon sens d’un grand intérêt (le commentaire de Danche sur l’AC 088 est également assez sévère). Par temps gris, c’est franchement fade. En revanche, avec le soleil, la perception est très différente : le blanc devient couleur. Dans ces conditions, il devient franchement éclatant. Bah, un peu comme à la montagne quoi…Particularité de la voiture : à part un ou deux éléments (mal) repeints, elle est en peinture d’origine, ce dont le propriétaire n’est pas peu fier. Autre sujet de satisfaction pour lui, l’absence totale de rouille sur son châssis : « Regardez, on voit encore les points de soudure sur les longerons ! ». Un conseil : ne le branchez pas là-dessus, vous en avez pour l’après-midi.

Bref, et avant de passer au volant, un premier examen statique de cette « DSuper » nous permet de conclure à l’excellent état de cette auto, dont la carrosserie mériterait quand même un léger débosselage et une « complète » pour être parfaite. Elle en vaudrait le peine.

Les lecteurs seront sans doute surpris de retrouver à nouveau dans nos colonnes une 21 de la même année (1969) que celle qui avait illustré notre précédent match « DS contre CX ». Pur hasard. Cet exemplaire cependant paraît être en encore meilleur état, et se dispense de la fantaisie du toit blanc, qui avait fait voir rouge au Docteur. Tout est ici parfaitement conforme.

L’ambiance de l’habitacle est évidemment assez différente de celle de la « DSuper » :

  • Ancien tableau de bord, nettement plus aérien que l’ultime version, mais légèrement en retrait d’un point de vue esthétique par rapport au précédent (entièrement noir, boutons rectangulaires…)

 

 

  • habillage tout cuir. Saluons ici la marque Citroën, qui ne mégotait pas : le dessous du tableau de bord, les pieds milieux, les dragonnes, les panneaux de portes, les flancs et les dossiers des sièges, absolument tout est en cuir. Comparativement, il faut savoir que Jaguar, Mercedes ou même Rolls-Royce utilisaient à profusion l’ « Ambla », une sorte de skaï lisse, censé imiter la peau. En réalité, sur ces voitures, seules les assises étaient en cuir. Consternant…


  • Epaisses moquettes, pavillon habillé de tissu, nombreux chromes…

Bref, l’ensemble fait « cossu ». Un intérieur « Pallas », c’est quand même quelque chose. Inimitable…

Côté carrosserie, la peinture est légèrement patinée, mais exempte de toute bosse, rayure ou point de rouille. Que penser du gris nacré ? Incontestablement moins classe que le gris Palladium, il reste plus beau que les gris métallisés modernes, très (trop) clairs. Bon, la teinte n’est pas d’une grande originalité, mais offre le bénéfice de la sobriété. Combinée au cuir naturel, elle dégage une classe indiscutable. Et puis, comme le dit Robert Opron, qui ne conçoit une voiture qu’ainsi : « c’est la couleur de l’acier ».

Parlons maintenant des habillages extérieurs réservés aux versions « Pallas ». Et c’est ce même Robert Opron qui va m’offrir la transition : que n’a-t-il pesté en effet contre les verrues (baguettes latérales, enjoliveurs…) que l’on a greffé sur « sa » CX. Même dilemme dans le cas de la DS : les nombreuses baguettes extérieures n’alourdissent-elles pas la ligne ? On a au moins le droit de poser la question. Les joncs en inox, les custodes en aluminium anodisé sont à mon avis du plus bel effet. Je n’en dirais pas autant des baguettes latérales.

Mais assez parlé chiffons, passons à l’essentiel, en route !

 

Au volant

Nous conformant à l’ordre implacable de l’arithmétique, c’est par la « 20 » (ou peu s’en faut) que nous avons débuté notre essai. Une brève action sur la clef de contact (eh oui, nous sommes en boîté méca !) suffit à réveiller la bête. Premier sujet d’étonnement : le silence et la régularité de la mécanique au ralenti. A en croire son propriétaire, l’exemplaire que nous avons entre les mains ne totaliserait que 80000 kilomètres. Difficile d’être péremptoire en l’absence de tout justificatif, mais la chose paraît plausible à en juger par l’usure générale et par certaines pièces mécaniques d’origine toujours en place.

Qu’il nous soit permis à ce stade d’apporter une précision : une mécanique de DS, si elle est assez « vrombissante » dans les tours, se doit d’être relativement silencieuse à bas régime. C’est un excellent indice de sa santé. Pas de doute ici, le moteur tourne parfaitement rond, et l’absence de silencieux arrière confère à l’engin une sonorité un peu plus virile que sur les DS à deux « marmites ».

Première. Autant le dire tout de suite, les boîtes mécaniques me barbent : course démesurée de la pédale d’embrayage, débattements du levier de vitesse, toutes choses critiquées en leurs temps par la presse, rendent la conduite nettement moins reposante qu’avec une commande hydraulique. Au crédit cependant de cette « DSuper », la précision et la douceur des verrouillages. Rien à voir avec certaines DS « rincées » qui ont pu me passer entre les mains. D’ailleurs, en bon état, les boîtes Citroën de cette époque étaient remarquables : celle de la SM, extrapolée de la DS, près de quarante ans après, reste un modèle. La comparaison avec une transmission de CX (d’origine Lancia) est saisissante.

 

 

L’avantage de la commande mécanique (c’est à mon sens le seul) est de procurer à la voiture un certain dynamisme, qui manque parfois aux DS « hydraulisées » (surtout sur les « 20 »), souvent réglées assez lentes de surcroît. On se prend à monter les rapports assez haut, et les passages de vitesse (surtout de première en deuxième), paraissent plus rapides qu’avec une BVH adoptant des réglages « tourisme ». Dans la pratique, une « DSuper » en forme, sous réserve de cravacher un peu plus le moteur, ne rend pas grand-chose en accélérations à une 21. Il n’en va pas de même en reprises, ou encore en côte, où la différence est nettement perceptible, couple supérieur oblige.

Plus globalement, le comportement de cette voiture donne toute satisfaction : mécanique étonnante de fraîcheur, suspensions souples, tenue de route naturellement impériale. Seule la direction, assez floue autour du point zéro, déroute un peu.  Mais dans l’ensemble, ça sent la voiture saine et parfaitement entretenue.

 

En montant dans la 21, on a un peu l’impression de changer de peau : de contremaître vivant en petite couronne, nous voilà métamorphosé en notaire de province. Attention :  du confort, un doigt de luxe, mais point de clinquant. Tout est affaire de nuances. Il y aurait d’ailleurs beaucoup à écrire sur la sociologie de la DS. Nous y pensons…

Contact. Le mode d’emploi pour démarrer est ici différent (boîte hydraulique), mais pas besoin de vous faire un dessin. La mécanique s’ébroue facilement. D’un doigt, la première est enclenchée « comme dans du beurre ». La voiture décolle. Ce n’est qu’une fois la deuxième passée que la voiture s’anime véritablement. Un peu paresseuse au départ, la 21 ne montre ce qu’elle a dans le ventre qu’avec un petit temps de retard. Une fois lancée cependant, le couple sensiblement supérieur à celui de la 20 se ressent bien : jusqu’en troisième, la poussée est franche. Sur ce rapport, un dépassement sur nationale relève de la formalité.

Un mot sur la conduite assez particulière d’une DS à commande de vitesses hydraulique. La conduite à deux pieds est à mon avis très préférable : pratique en ville, terriblement efficace sur route. S’habituer à freiner du pied gauche demande un peu de pratique, mais après, quel festival ! Autre point à préciser : la plupart des BVH sont réglées assez lentes. Pour qui a bien assimilé la « gestuelle » à adopter, des réglages plus nerveux sont à privilégier. A titre personnel en tous les cas, je trouve la conduite d’une DS à boîte « hydro » à la fois plus reposante, plus efficace et plus amusante. Les essayeurs « vedettes » de l’époque (André Costa, Alain Bertaut, Jean-Paul Thévenet…) partageaient cet avis.

Pour conclure sur cette 21, même constat que sur la 20 : la voiture est parfaitement réglée et entretenue. Un peu plus de pêche, une meilleure insonorisation, un habitacle plus chaleureux, c’est le cran (légèrement) au-dessus.

Mais soyons justes, on retrouve sur ces deux autos les mêmes incroyables qualités de confort et de comportement routier qui ont fait de la DS une légende. Nul doute qu’un même sang – bleu serait-on tenté d’écrire, fût-il vert dans la réalité – coule dans leurs veines.