Comme souvent, la question posée est bien trop générale, et, pour ne pas sombrer dans les lieux communs (CF "le vase Ming" en histoire de l'Art), devons-nous en définir plus précisément les termes.
De quoi parle-t-on? "Sortir une DS"? Soit, mais quelle DS?
Mon avis est qu'il faut ici distinguer deux catégories.
La première comprendrait les DS totalement d'origine: peinture, sièges, et le reste. Pour celles-ci, il est du ressort, et même de la Responsabilité de leur propriétaire de les préserver autant que faire se peut. Aussi les sortir sous la pluie me semble une hérésie car les risques d'une telle entreprise pour ce patrimoine roulant seraient par trop nombreux: dégradation du chassis, eau stagnante à divers endroits critiques, infiltrations au niveau des panneaux de portes, ou des joints du toit, sans parler des traces de boue sur les moquettes.
Par contre, pour toutes les autres (voitures repeintes, restaurées, etc), moi j'ai envie de vous dire: une DS, ça doit rouler. La sortir aux beaux jours seulement, c'est, passez-moi l'expression, du domaine de la petite bistouquette. Que diable, une DS n'est pas un habit de mariage qu'on garde dans la naphtaline en pensant qu'il resservira un jour, c'est bel et bien un moyen de locomotion, dont il est bon de profiter en toutes conditions. Et une DS restaurée (comme la mienne, celle de Pétriman ou celle de Tungstène, par exemple), si elle s'abime, eh bien on la re-restaurera, et personne n'y verra de différence.
Et, au-delà de cette position de principe (qui m'avait d'ailleurs conduit à choisir un jour de grain pour organiser mon Danchothon), c'est, on va le voir, toute une gamme d'émotions et de sensations bien spécifiques qui apparait quand on roule sous la pluie.
D'abord l'odeur. Une vieille voiture, ça sent. Et une vieille voiture sous la pluie, ça schlingue, la fragrance exacte étant un mélange de chien mouillé et d'huile chaude. Or, le saviez-vous, de tous les sens, c'est l'odorat qui a la meilleure mémoire (et ce ne sont pas ceux qui ont déjà rencontré une ex, quelques années après, qui me contrediront). Par conséquent, pour tous ceux qui cherchent, via la DS, à renouer avec des moments perdus de leur enfance, un voyage sous la pluie sera le plus souvent inoubliable.
Ensuite la buée. Dans les habitacles plastique des voitures contemporaines, la notion de buée a quasiment disparu. Or en DS, elle est présente, et même bien présente. Le dégivrage arrière étant symbolique, le désembuage avant étant loin d'être instantané, on se retrouve vite, lors d'un périple sous la pluie, pris dans une sorte de cocon ouateux, où l'on ne reconnaitrait pas son père s'il frappait à l'extérieur au carreau. Pensons un instant à Jules Verne, le Nautilus, l'ile mystérieuse, autant de concepts d'un univers clos et mystérieux, où l'homme se retrouve juste face à lui-même et ceux qui l'accompagnent. Le voyage sous la pluie, c'est à coup sûr un moment d'intimité unique et privilégié, que l'on soit seul ou accompagné.
Le risque, maintenant. Chaussé de Michelin , allant un peu vite, éclaboussant la chaussée, on se sent vraiment vivant. Bien plus qu'à 80 à l'heure sur une route ensoleillée, où là, on se sent en vacances. C'est toute l'opposition de la vie face au confort, de la maitresse face à l'épouse, de l'adolescence face à l'extinction progressive des plaisirs ("Ivan, il va falloir arrêter de manger trop riche vous savez"). Rouler sous la pluie en DS, c'est avant tout être jeune.
Et c'est aussi pourquoi beaucoup de collectionneurs, pardonnez-moi Professeur Petriman, ne le feront jamais.
Le plaisir enfin. De toutes les voitures de son époque, la DS était réputée être celle qui éclabousse le plus à l'arrière. Pour en avoir suivi quelques unes, mon avis est qu'elle est encore très bien placée sur ce point face aux voitures qui peuplent aujourd'hui notre asphalte. Dépasser en DS sur route mouillée est donc un plaisir rare, c'est celui que l'on pouvait avoir, mon coeur t'en souvient-il, en arrosant les passants au tuyau d'arrosage, caché dans un bosquet.
Pour finir, je mentionnerai l'intérêt technique et historique. Je lis sur les forums spécialisés des jugements péremptoires, souvent à l'emporte-pièce: "La DS reine de la route". "On n'a pas fait mieux depuis". "Pour une DS, il faut des Michelin".
Ma réponse à cela, c'est: oui, oui, je suis bien d'accord avec vous. Mais vous savez, les gars, les Michelin, pas besoin de casser votre tirelire si vous ne roulez que par temps sec, c'est sous la pluie qu'on voit vraiment la différence sur les pneumatiques, et que l'on peut vraiment juger, de façon plus générale, à quel point la DS était en avance sur son époque.
Alors les jeunes, guettez la prochaine averse, et venez me rejoindre (surtout les filles) auprès des flaques!
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