MATCH DS 21 Pallas 1969 contre CX 25 IE Pallas 1985 :
un duel au sommet,

 

par Ivan et Jérôme

 

 

AVERTISSEMENT

Nul doute que cette confrontation paraîtra aux yeux de certains parfaitement iconoclaste : pour beaucoup de citroënistes en effet, la pendule s’est arrêtée en 1975, et jamais pour eux la CX n’a incarné une digne descendante de la DS. Qu’importe, ceux-là peuvent passer leur chemin, la rédaction du Dancho-Journal, résolument anti-conformiste par nature, a osé cet impensable, inimaginable, mais passionnant duel.

 

Présentation

Quel cadre, mieux que celui d’un aérodrome, pouvait convenir à ces automobiles à la ligne tendue, fuselée, taillée par le vent ? C’est donc en bord de piste, et après des essais poussés, que nous avons amené nos deux engins, pour la traditionnelle séance de photos.

Difficile en vérité de trouver dans la carrosserie de la CX, des réminiscences de celle de la DS : à part peut-être dans les lignes de lumière, plongeant vers l’arrière, on ne trouve pas grand-chose de commun entre les coups de crayon de Bertoni, le Maître, et d’Opron, le disciple. Tout a été dit sur la beauté sculpturale de l’ « Ovni » :  cinquante ans après, on n’en est toujours pas revenu, et ce n’est pas ce très beau modèle à la sublime robe « gris nacré » qui viendra nous apporter un démenti…

On dirait qu’elle va prendre les airs…Avec la DS, ne cherchez pas le défaut : la poitrine tombante, la fesse triste, ce n’est pas son truc. D’où que vous la regardiez, elle est sublime. Et si l’ensemble est d’un équilibre, d’une fluidité remarquable, on s’aperçoit à s’y attarder de plus près, que chaque détail a été pensé, dessiné : cornets de clignotants, compas de malle arrière, feux, pare-chocs, sont autant de pièces qui semblent avoir reçu la griffe du génie.

Difficile après de passer derrière une pareille diva…

Vous n’avez pas fait attention à elle, qui fait banquette là-bas au fond de la salle : « Je garde le sac de ma copine » répond-elle au boutonneux qui l’invite à danser. Pas facile de vivre dans l’ombre d’une star…Eh oui,  la vie de la CX, c’est un peu ça : les annonces dans « Paris Boum Boum », pas droit au regard au feu rouge, ou bien les ricanements des copains qui vous voient arriver : « T’as acheté une GS ? »

Et pourtant…

Ah, certes, les puristes ne vont pas crier au génie, pas plus que ces dames tomber en pâmoison (je vois déjà Madame Danche pincer du nez), et cependant, regardez mieux…Ce profil en aile d’avion (cela tombe bien), cet arrière élancé, ces chromes, cette intéressante lunette arrière concave…Non, il y a vraiment quelque chose. Là où sans doute la CX pêche (en tout cas face à la DS), c’est par une certaine fadeur vue sous des angles particuliers (plein avant, ou plein arrière notamment).

Bref, autant le dire tout de suite (et nous vous parlons d’expérience), la CX n’est pas un aspirateur à minettes (nous nous adressons au lectorat masculin, largement majoritaire il faut bien l’avouer). Et alors ? Attendez seulement d’être monté à bord, d’avoir pris les commandes : la belle a beaucoup à offrir…

Impressionnant ce face à face non ? Rocky Balbouli à côté, c’est de la rigolade. Elle fait presque fluette la CX, vous ne trouvez pas ? A croire qu’elles ne boxent pas dans la même catégorie…

Parlons un peu technique…

Rassurez-vous, nous n’allons pas vous asséner un cours d’hydraulique. De toutes façons, de ce point de vue, les voitures ne sont pas très différentes, dans les principes tout au moins. Evoquons simplement les nouveautés introduites sur la CX. La plus marquante est sans conteste l’extraordinaire « DIRAVI ». Derrière cet acronyme qui sent bon son militaire, il faut comprendre que la direction, évidemment assistée, est non seulement « à rappel » (les roues reviennent en ligne toutes seules), mais en plus, l’assistance est fonction de la vitesse (plus précisément, elle décroît avec celle-ci). Le résultat est tout simplement saisissant (plus abouti à notre avis que sur la SM), mais nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’essai sur route.

Autre grande particularité, le « faux châssis » : la coque de la CX est en fait reliée par seize « liaisons élastiques » à celui-ci. Imaginé par Paul Magès, le « système calèche » est censé améliorer la filtration des vibrations : ici encore, la réalisation est concluante, ce qui n’est d’ailleurs pas un luxe compte tenu des innombrables « gri-gri » générés par l’habitacle.

Signalons tout de même deux autres différences importantes :

  1. La position du moteur d’abord : longitudinale (resp. transversale sur la CX), et en arrière (resp. en avant sur la CX) du train avant sur la DS
  2. Le pivot de direction : dans l’axe de la roue sur la DS, légèrement déporté sur la CX

 

Là, les conducteurs sportifs concluront d’eux-mêmes : avantage à la DS. Centrage des masses, pivot de direction pile-poil dans l’axe de roue : ça c’est du châssis. Dans la pratique, difficile de trancher : dans les deux cas, ça passe (très) vite et (très) bien.

Venons-en à la mécanique. Une image vaut mieux qu’un long discours, le cœur de la DS pour commencer :

 

Légèrement amélioré pour le millésime 69 (la puissance passe de 100 à 106 chevaux DIN), le 2175 cm3 de la mythique « 21 », est ici dans sa version à carburateur (l’injection, ce sera pour l’année suivante). Rustique, assez bruyant, mais non dénué de punch pour qui sait lui parler…

Faisons un bond dans le temps, la CX nous fait découvrir ses entrailles :

Là, évidemment, on ne joue plus dans la même division…ni la même époque. Voyons les chiffres : 2500 cm3 à injection, 138 chevaux DIN, ça vous pose son homme. Les amoureux de belles mécaniques apprécieront la rampe d’injecteurs et les superbes tubulures d’admission.

Mais mettons un terme à ce suspense intolérable, et prenons la route…

 

L’essai routier

Honneur à l’aînée, c’est avec elle que nous allons entamer notre périple. Mais avant toute chose, jetons un œil au poste de conduite :

 

En gros plan, avec la fameuse boîte hydraulique, l’arme absolue en rallye :

 

Je ne ferai pas l’insulte à nos lecteurs, tous fins connaisseurs du modèle, de leur rappeler le mode opératoire pour lancer le moteur : aucun doute en tous les cas, le voilà bien parti. Eh oui, sa position très reculée fait qu’il fait pratiquement saillie dans l’habitacle, et que l’insonorisation en est rendue assez problématique.

D’un doigt, le levier de vitesse est poussé vers l’avant, première, la voiture s’ébroue… Toujours du bout des doigts, nous saisissons la fine tige chromée, pour engager la deuxième, attention à bien décomposer (un petit temps d’arrêt au point mort)…Dès que la voiture est lancée (les premiers mètres sont un peu plus laborieux), le festival peut commencer : en poussant un peu les feux, le deuxième corps du carburateur entre en action…Qui a dit qu’une DS ça n’avançait pas ? Pied gauche sur le frein, à la finlandaise, un petit coup de gaz en rétrogradant, nous négocions les virages comme à la parade, ça passe vite et fort. Deux ou trois voitures sont obligées de se jeter au fossé pour nous éviter. On ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs. C’est assommant ces essais sur route ouverte.

Et que dire de la stabilité en ligne droite, sinon qu’elle est irréprochable ? Difficile d’imaginer que cette auto a près de quarante ans…Ah évidemment, si vous vous attendez à trouver un double arbres à distribution variable, vous serez un peu déçu. Mais comme nous l’écrivions plus haut un « 21 » en forme, ça vous vaut des reprises assez velues. Une remarque au passage : le débat carbu / injection ayant alimenté de nombreuses conversations au CESCQUAL (Club des Esthètes Citroën du Quartier Latin), qu’il nous soit permis de vous donner ici notre sentiment. Au risque d’en surprendre certains, et après avoir essayé de nombreux modèles, nous affirmons que la version à carburateur est plus vivante que sa sœur « injectée », dont le moteur est beaucoup plus linéaire. Il fallait que cela fût dit.

 

Avec la CX, on change de style : position de conduite « course » (si si), environnement 100 % plastique, mais ambiance feutrée : le moteur au ralenti est à peine audible.

Il est beau hein ce tableau de bord ? Enfant vous rêviez de Star Strek ? Eh bien voilà, vous y êtes…Il y a même la soucoupe volante.

Nous engageons la première, hélas, trois fois hélas, pas de boîte hydraulique, mais une banale boîte 5 mécanique…Côté moteur, c’est deux ou trois crans au-dessus de la « 21 » : onctueux, souple, et surtout vraiment pêchu (pour mémoire, 31 secondes au kilomètre DA, comme la 205 GTI à Ramos ! Etonnant non ?).

La CX dévoile sa personnalité : assez différente finalement de celle de la DS, qu’il s’agisse des freins, de la direction (impériale de précision et de vivacité), du « toucher » de route (c’est important ça le toucher de route). Elles se rejoignent en tout cas en efficacité, mais le mode d’emploi n’est pas le même.

 Sur la DS, la conduite « deux pieds » (un pour le frein, un pour l’accélérateur) constitue un gros avantage : en pratique, on peut presque toujours garder de l’accélérateur, et « taper » du gauche sur le « pédalo » à l’approche d’un virage, la main droite se chargeant du rétrograde, rendu souvent nécessaire pour faire parler toute la cavalerie.

Avec la CX, c’est assez différent : les chevaux sont là, et le mieux, sur petites routes sinueuses, c’est de se mettre en 3ème (ou 4ème si la route est assez filante), et de ne plus en bouger. Après, toute se passe au volant : avec sa vivacité et sa précision démoniaques, la DIRAVI permet de placer la voiture au centimètre : à la limite (il faut vraiment y aller), la voiture glissera un peu des quatre roues, mais restera parfaitement stable.

Nos essais s’étant déroulés sur des petites routes de campagne, assez encombrées qui plus est, nous n’avons sans doute pas pu exploiter à 100 % le potentiel des deux voitures : gênés par de nombreux cyclistes (que ceux qu’inévitablement nous avons écharpés veuillent bien nous pardonner), nous n’avons pas été en mesure de dépasser les 200 compteur, ce que les voitures sont parfaitement en mesure de faire en temps normal.

 

La vie à bord

Disons-le d’entrée : si la DS joue la carte du luxe et de l’opulence, la CX jouerait plutôt celle du mauvais goût et de l’économie. Cela dit, le résultat est tellement caricatural et emblématique d’une époque, qu’il en devient plaisant, enfin, nous vous laissons juger par vous-mêmes :

Du cuir, des chromes, des moquettes profondes, vous êtes dans une DS Pallas de la grande époque…

La bonne place en DS, c’est celle-là : une banquette moelleuse, une place incroyable pour les jambes…Fermez les yeux un instant : vous voilà ministre de Pompidou. « Nous rentrons au Quai, Firmin. »

Hein ? Quoi ? Je m’étais endormi ?

Dur retour à la réalité, aux années de crise, de grèves à Aulnay…Et pourtant, on est bien dans une CX : position de conduite parfaite, silence, chauffage (et climatisation…) très efficace.

Vous comprenez maintenant pourquoi ils ont sorti la « Prestige » ? Eh oui, une CX, ça fait 20 cm de moins qu’une DS, et ça se sent…

Bataille d’auto-radios…

Un « Continental Edison » sur la DS : le gros bouton rond, c’est la balance avant / arrière, pas mal hein ? Admirez au passage le garnissage en cuir sous le tableau de bord : ça monsieur c’était de la bagnole.

Un « Blaupunkt » pour la CX, bien meilleur il faut reconnaître : ce qu’on a perdu en design, on l’a gagné en qualité d’écoute…

En conclusion

 

Photo symbolique : la DS ouvre la voie, tandis que la CX, brillante seconde pourrait-on écrire, n’attend qu’un ordre pour lui emboîter le pas…