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L'initiation,
par Jérôme.
Depuis longtemps, la DS me fait rêver et je me suis décidé à en acheter une.
Au fil de mes recherches sur Internet, je tombe en Octobre sur un site différent des autres : le nuancier DS.
Séduit, j'envoie un email de félicitations à l'auteur du site, mentionnant dans ma signature, sans même y prendre garde, mon adresse postale de Paris 6ème. Et je reçois bientôt le message: "savez-vous que nous sommes voisins?"
C'est ainsi que je fis la connaissance du Docteur Danche, célèbre inventeur du Danchotron et industriel émergent dans le textile.
Il me proposa vite de participer au sommet du CESCQUAL (Club des ESthètes Citroën du QUArtier Latin), qui se tient régulièrement dans un endroit exotique gardé jalousement secret.
C'est là que je fis aussi la rencontre d'Ivan, un autre voisin, célèbre pour ses coups de tournevis hargneux dans le châssis des DS à vendre et pour sa 21 Pallas de 69, qui aurait appartenu à l'inventeur de l'hydravion et serait -selon Danche- un poil trop foncée pour du AC095.
Et, depuis un couscous maison mémorable, une compétition féroce s'est ouverte entre les deux hommes : c'est à celui qui me trouvera une DS!
Un beau jour de Novembre, le Docteur dégaine le premier : il m'envoie un lien avec une annonce pour une DS 21 confort de 1968 à 3000 euros, en me pressant d'appeler le vendeur, car "le modèle est intéressant". Je m'exécute. Le vendeur me fait alors entendre au téléphone, certainement pour m'allècher, le démarrage un peu laborieux de sa 21 ainsi que le son émis par la fermeture des portes!? Il me signale juste au passage un phare cassé et un trou benin dans le plancher côté passager, mais "les longerons sont nickel". Nous prenons donc rendez-vous.
Vous l'aurez compris, c'était là mon premier déplacement vers la réalisation d'un rêve, autrement dit, un moment historique.
Quand les émotions sont trop fortes, la réalité dépasse les mots, mais voici le reportage à chaud, que je fis pour mes deux amis :
Messieurs,
Je vous livre le compte-rendu de mon expédition du matin du 30 Novembre 2006. Installez vous bien c'est un peu long...
Tout d'abord pour vous rendre à Chausseny, lieu où se situe la voiture, il vous faut traverser les quartiers peu reluisants de Mantes la Jolie dont les parkings s'enjolivent de cadavres de clio ou autres 405 complètement dépouillées, en partie brûlées, cassées. La grisaille, les brumes plus ou moins épaisses, l'air froid, ajoutaient à cette atmosphère propice aux bonnes affaires.
Bref, après avoir traversé Chausseny et longé la rivière, j'arrive au lieu dit "Le Marais". Il était convenu que je me stationne sur le parking du "Terminus", un routier.
Je dois avouer que ces noms résonnaient dans ma tête et je trouvais finalement qu'ils s'accordaient assez bien à l'ambiance de cette magnifique journée.
Un coup de fil et hop je vois apparaître le vendeur, chauffagiste de son état, mais réfrigéré par ce temps de chien.
J'entre dans sa propriété, et je découvre la voiture telle que vous pouvez la voir sur la première photo.
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Effectivement, vue de ce côté, c'est moins vendeur:
bon le phare cassé j'étais au courant... La porte avant qui ne ferme pas et qui coince, ça je ne savais pas, surtout suite à la démo (?!) de la chose au téléphone.
La carrosserie a finalement pas mal de coups, et piquée un peu partout y compris le dessus des ailes avant...
Ayant bien noté dans la revue Pallas numéro 7 ("comment acheter une DS sans se faire enfler"), aimablement prêtée par Danche, qu'il fallait commencer la visite par la malle, je me dirige vers l'arrière.
Au passage je jette un oeil sur le joint de toit, à refaire complètement, il a déjà été refait, assez mal d'ailleurs, il est craquelé de partout... Je soulève le joint de pare-brise, c'est complètement bouffé dessous et sur toute la longueur. Le gars me dit: "oh ben, faut gratter un peu et ça part". ok.
Il avait retiré la moquette du fond de la malle et en tapant du poing au milieu de la tôle pleine d'eau quand même, il me dit "c'est bon, y a pas de souci!" Ah ben au milieu non y a pas de soucis mais dans les angles on est pas loin de voir l'herbe, en grattant un peu comme conseillé auparavant, on doit y arriver.
Bon...
Les joints extérieurs au bas des vitres sont complètement morts.
Je décide de voir l'intérieur: ciel de toit à refaire, des grosses fuites de chaque coté à l'arrière, le boudin se barre par endroits, bref c'est pas beau à voir. Les sièges sont moyens, assez sales, la banquette arrière est trouée. Je demande au type si je peux prendre une photo, pensant au Danchotron. Je dois dire que ce ne fut pas facile de trouver l'angle idéal, car la voiture est stationnée entre un barbecue extérieur contre un mur d'un côté et une petite palissade en bois de l'autre, donc peu de recul... M'enfin, je réussis quand même à faire la photo n° 2 qui, je l'espère, entrera au danchotron, comme on entre au Panthéon.
(ND Dr Danche: non, raté: il faut que la photo montre aussi la couleur du toit pour espérer rentrer au Danchotron)
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Le vendeur me montre alors le trou dans le plancher qui finalement est côté conducteur, et là effectivement dans l'angle formé avec le longeron, nous avons un superbe point de vue sur l'herbe grasse comme la toux du chauffagiste.
Ah oui j'oubliais, cette visite est régulièrement ponctuée d'une toux grasse et bien racleuse, celle du propriétaire, entre 2 gauloises brunes.
Faut dire que le climat local n'aide pas à dégager les bronches, comme je le disais, d'un côté la rivière et de l'autre côté, une montagne, donc pas beaucoup de recul là aussi.
Le compteur marque 87.000 km, et non 98.000 comme annoncé au téléphone. Je demande au gars: "elle a 187.000 ou 287.000?" Non non dit-il, elle a 87.000 d'origine, c'est sûr. Pas de preuves mais bon...
J'examine les bas de porte, et sur la photo 2 on le voit bien, les joints caoutchouc des bas de portes ne tiennent plus: la tôle est en dentelle.
Le pied milieu est moyen mais sans plus.
Bon...
Mon oeil aiguisé me disait que le gars avait dû faire tourner la voiture avant mon arrivée, car je trouve qu'elle n'est pas très aplatie...
Il ouvre le capot. J'examine le moteur qui est assez propre finalement. L'huile n'est pas trop noire... Il me la démarre, avec un bidon de 5 litres à l'avant, car le réservoir est un lointain souvenir. Elle part au 1/4 de tour et se relève un peu, de suite. L'autre jour le démarrage par téléphone avait été un peu plus laborieux, mais il faut dire qu'il faisait plus doux avec le soleil.
Evidemment elle fait un bruit de tracteur puisque le pot est pourri. Fumée légèrement bleutée, c'est peut-etre normal qu'elle mange un peu d'huile, je ne sais pas.
Donc, dans un nuage de fumée, je regarde encore et écoute le moteur qui ne claque pas (tiens c'est bizarre, à froid il devrait claquer un peu non?)
Bon, elle tourne bien et tient bien le ralenti. Enfin un point positif!
Position haute pour voir un peu en dessous: rien d'anormal, pas de bruit bizarre, elle monte bien.
j'avais prévu de m'habiller pour la circonstance car effectivement il m'a fallu m'agenouiller dans l'herbe mouillée mélangée à la boue.
Notez qu'à cet instant mon tournevis se trouvait à portée de main dans ma poche. Car Ivan m'avait formé à sa méthode de diagnostic infaillible.
Et là l'horreur se produisit: les longerons! ils sont complètement percés, on peut y passer plusieurs doigts, surtout vers l'avant, ailleurs ils sont boursouflés. Le type n'avait rien vu, il me croyait à peine, il regarde, je lui montre et il me dit : "ah oui, oh ben c'est pas très grave ça, elle a quand même 38 ans!, et pis c'est rien à changer!"
Bien entendu, vu l'état de la bête, il est hors de question de procéder à un essai sur route, et puis "elle n'est pas assurée" me dit le vendeur.
Lors de mon trajet, à l'aller, je pensais que j'allais pour la première fois démonter les ailes arrière d'une DS, mais le coeur n'y était plus, j'en avais assez vu et puis il faisait vraiment froid.
Le gars m'invite à rentrer chez lui pour discuter et boire un café. La maison est très modeste et à peu près dans le même état que la DS. Tout de suite l'odeur des chiens vous saisit, il y en a deux, on dirait des ragondins, mais tout ronds.
Je salue la compagne du chauffagiste, elle aussi réfrigérée. Pour vous donner un peu une idée, les 2 personnages ont des liens de parenté avec (et c'est sans méchanceté, c'est pour imager) ... la famille Adams.
Mais l'odeur piquante, mélange de vieux chien, de gauloise brune froide, de pastis, de café, est insupportable.
On aborde la question du prix, même si mon opinion est déjà faite: il ne descendra pas au dessous de 2500 euros.
Soudain, une voix étrange sort de la pièce d'a côté, on peut alors entendre: "t'es pas beau! gros con! t'as peur hein! fais chier!", et une toux grasse à répétition.
Le bonhomme me dit: "c'est rien, on a un perroquet qui parle, venez voir.". Je me lève et effectivement je vois la cage avec un perroquet gris.
"Charlie! tu pues!" me lance-t-il alors. Charlie, c'est le nom d'un des deux chiens. Je crois bien ne jamais avoir entendu un perroquet parler aussi distinctement et surtout, imiter aussi bien la toux grasse et les expressions favorites de son maître. "C'est un Congolais" me dit le Chaussenais, "et je ne savais pas qu'il parlait quand j'l'ai acheté"
Revenons à la DS: le gars me montre la carte grise, il m'avait dit qu'il avait la voiture depuis 8 ou 9 mois, mais il l'a rachetée en 94 et j'ai l'impression qu'elle est restée là à pourrir, dans une cour humide en bord de rivière orientée au Nord. Il avait refait les plaques, mais il ne les a jamais posées, ce qui fait que l'auto est toujours en 75, son immatriculation d'origine.
Pour conclure : je ne me sens pas l'âme d'un sauveur de DS, même si le modèle est intéressant et que du point de vue mécanique elle semble ne pas être trop fatiguée, mais pour une belle auto à partir de cette 21, j'ai bien peur que cela ne rentre pas dans mon budget.
Messieurs, je vous prie de bien vouloir pardonner la longueur de ce récit, et vous salue bien bas. |
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