La commande d'une Citroën neuve en 1969, par le Docteur Danche

On en connait plus d'un qui, au moment de s'endormir, rêve qu'il est en 68, et qu'il va chez le concessionnaire Citroën pour commander sa DS neuve, hésitant juste sur le coloris.

Stéphane a eu la gentillesse de me faire parvenir tout le dossier d'une commande d'époque, et si la voiture n'est (probablement) pas survivante (elle a été revendue dans les années 80), le déroulé de ces documents est très évocateur.

Merci à lui!

 

 

Etape 1: le bon de commande (11/12/1968)

Nous sommes Mercredi, et M Crueize, commerçant à Chateauroux, passe commande auprès de Georges Bechade qui représente la succursale de Chateauroux.

Il rend son ID61, et cette fois il part sur une ID20, plus moderne, mieux motorisée et puis surtout en liquide vert, il parait que c'est quand même bien mieux.

DA, chauffage -5, accoudoir côté gauche (c'est la dernière année où il n'est pas de série), phares directionnels et désembuage arrière, on ne se refuse rien sur cette ID luxueuse.

Certes ce ne sera pas la "Pallas": oh, il y en avait bien à la concession, avec l'intérieur cuir et tutti quanti, mais quand on est commerçant en province, mieux vaut ne pas être trop jalousé par ses clients...

 

Seul faux-pas: Bechade lui écorche son nom sur le bon.
"Creize"; tss. Crueize, avec un U, ça vient de Lozère.

 

Etape 2: la confirmation (12/12/1968)

Dès le lendemain, Citroën Chateauroux accuse réception du chèque, et transmet la commande à "Notre Constructeur".

Epouvantable mensonge au moment de cette confirmation, on fait croire à M Crueize qu'il aura du Rhovyline. Quand il se grattera les fesses et fera de l'électricité statique sur le Jersey Velours (celui des modèles non Pallas à partir du millésime 69), il comprendra qu'il aurait finalement du prendre la Pallas (les Pallas sont les seules à garder du Rhovyline encore cette année là).

Et puis, on a beau dire, ça a plus de gueule qu'une ID aux poignées en plastoc.

Etape 3: la demande de règlement (16/01/1969)

Après une attente fébrile d'un mois, ca y est, la voiture est prête depuis la veille.

M Crueize doit payer, Bechade sera informé.

Et jusqu'au dernier moment on fera croire à l'infortuné qu'il aura du Rhovyline.

 

On barre la rubrique "transport", apparemment M Crueize ira chercher sa voiture lui-même à Javel.

Etape 4: la livraison (18/01/1969)

Le courrier suivant confirme que l'ID20 est sortie d'usine le 15 Janvier, la veille du courrier précédent. Tout cela est orchestré de main de maitre.

 

La SAM (Société Auxiliaire de Manutention) réceptionnait les voitures dans le hall de livraison de Javel, assurait l’immatriculation WW, la préparation, la fourniture de carburant, et la livraison rue de Lourmel à l’acheteur provincial très content de monter à Paris récupérer sa belle DS.

 

Les Ets Faucher pouvaient aussi effectuer le transport des automobiles mais ici ce n'est pas le cas.

 

Etape 5: la facture (18/01/1969)

Dans la foulée de la remise de la voiture, on clôture le dossier.

Merci Monsieur, et rendez-vous dans quelques années, vous passerez à la GS vert rainette (ou vert reinette? Une GS est-elle plus grenouille ou pomme verte?).

 

Etape 6: la vérification a posteriori (30/01/1969)

Incroyable, ce document est resté joint au reste, le tout étant encore en possession du neveu de M Crueize.

Mais quelle est donc la nature de l'incertitude de notre acheteur, que veut-il vérifier en s'achetant ce magazine?

 

Pour moi c'est évident: c'est comme si, par delà les années, je l'entendais marmonner "mais bon sang de bonsoir, comment se fait-il que je n'ai pas eu le Rhovyline sur mon ID20?"