<Tribune Libre>

Garcia le gitan, par le Dr Danche


Au fil des photos du shooting de Paris en 1970, j'ai recherché les photos intéressantes de DS, pour en faire un best of.

Et dans la zone de la foire du Trône, Nicolas m'a un jour fait passer ces photos d'un break ID.

Vous distinguez mal ce qu'il y a d'accroché à l'intérieur de la voiture du catcheur, voici un zoom.

Eh oui, incroyable définition de la photo, c'est bien Marguerite, la copine d'Antarix!


J'ai voulu savoir qui était ce Garcia le gitan, et j'ai trouvé un texte sur lui datant de 2019.

La dernière partie de ce texte m'a ému parce qu'elle évoque le genre de fascination que l'on peut avoir dans l'enfance.
Pas la mienne, celle d'un autre, et sur d'autres thèmes que les miens, mais j'ai tout reconnu.

Ce texte je l'ai trouvé sur ce lien, la "lanterne de Diogène".

J'ai eu trop de désillusions par le passé, en faisant des liens vers des sites qui ensuite disparaissaient.

Alors j'ai fait copier/coller du texte.

Dr D.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Une parenthèse entre deux sujets graves, ou dans l’actualité des médias, pour évoquer un personnage hors du commun. En cherchant le générique de l’émission culte « Marche ou Rêve » de Claude Villers, je tombe sur un sujet de l’INA sur le métier de catcheur exercé par le célèbre producteur de France Inter avant qu’il ne prenne sa carte de journaliste dont il est si fier ; au point d’en rajouter sur le nombre d’années qu’il la détient. À l’occasion d’une tournée d’été, il avait d’ailleurs évoqué ses débuts en remontant sur le podium d’une célèbre baraque de catch qui a remporté, pendant des années et des années, un énorme succès dans les fêtes foraines. À cette occasion, Claude Villers avait retrouvé quelques uns de ses anciens camarades de lutte.

Cet homme, je l’ai connu, de loin, comme petit badaud, appelé par son patron, « le Gitan Garcia ». Était-il gitan, s’appelait-il comme ça ? Gitan, peut-être car nombre d’entre eux travaillaient comme forains et nombre de baraques sont encore détenues par des familles gitanes. Garcia, nom espagnol répandu, pouvait bien être le sien à moins que son patron, plein de préjugés, ne l’ait choisi que pour coller aux clichés sur les Gitans et par référence au célèbre sergent de la série télévisée à la mode quand il s’est lancé sur les routes après avoir raccroché les gants ; si tant est qu’on en porte dans ce sport spectaculaire qu’est le catch.

La baraque de Jackson faisait un tabac et avait eu les honneurs d’un feuilleton télévisé d’avant le journal, comme c’était la mode à l’époque. Le feuilleton s’appelait « Le Vagabond » et le rôle titre s’était retrouvé, au hasard de son errance à faire du catch en tenant le rôle de « l’homme à la cagoule » ce qui lui permettait de n’être pas reconnu par tous ceux qui le recherchaient. http://php88.free.fr/bdff/image_film.php?ID=4542

Enfant, donc, à Paris, nous avions deux fêtes foraines principales. L’une existe encore, la Foire du Trône, l’autre sans nom précis, se déroulait au moment des fêtes de fin d’années sur les boulevards en contrebas de Montmartre et les baraques de catch attiraient le plus. Je connaissais par cœur le boniment de Jackson, le patron, car c’était toujours le même. Il le répétait avant chaque spectacle, quasiment sans changer un seul mot et il l’a répété, identique, pendant des années et des années, mais je me répète aussi. Malgré les soi-disant vedettes internationales qu’il se vantait d’exhiber, malgré l’homme à la cagoule, malgré des figures haut en couleurs, la vedette était toujours le Gitan Garcia. Pauvre Garcia, il gagnait sa vie en se bagarrant toute la journée – comme ses congénères bien sûr – mais en plus, lui, s’en prenait plein la figure au moment de la parade. Il se trouvait toujours un comparse, dans la foule, qui exigeait de le combattre, lui, le Gitan. Il avait droit aux sobriquets les plus ridicules, cherchant l’humiliation de façade, promesse d’une vengeance sur le ring, propre à attirer les badauds. Garcia se tenait plus ou moins au milieu, debout, le regard terrible, bras croisés et pieds écartés. Il portait invariablement un collant surmonté d’un slip à la façon de Superman dont il avait adopté aussi la cape. Il demeurait impassible, faisant semblant de ne pas comprendre que les sobriquets qui volaient pendant la parade le désignaient, lui. Dès que Jackson disait : « Allez, Garcia, c’est pour toi ! », il bondissait sur son adversaire à venir comme s’il voulait lui régler son compte sur le podium. Sa colère maintenue par son patron, il tapait du poing dans l’autre main avant de le brandir menaçant. « Mesdames et messieurs, il va y avoir de la bagarre ! J’offre le demi-tarif à tout le monde ! ». Le plus fort, c’est que ça marchait et que ça marchait bien. La foule se prenait au jeu, huait quand les lutteurs de la baraque venaient prêter main forte à leur camarade mis en difficulté par le soi-disant amateur venu tenter sa chance ou qu’il le piétinait alors qu’il était déjà à terre. Et ça recommençait après environ une demi-heure, une fois que tous les combats étaient terminés et que les premiers lutteurs, les judokas, ouvraient les rideaux sur la baraque en train de se vider. « Approchez messieurs-dames, ça va recommencer » et ça recommençait, invariablement.

Une fois, pourtant, Garcia est remonté sur scène avec une énorme bosse sur son front, accentuée par une quelconque pommade qui brillait. Malgré tout, il a fallu qu’il fasse le pitre, encore et toujours, qu’il finisse la parade en brandissant son poing, comme toujours. Dans quel état a-t-il fini la journée ? C’est sans doute cette image douloureuse qui m’a détourné des fêtes foraines pendant longtemps ; le temps d’oublier. Je ne vais pas au cirque pour voir dévorer le dompteur ni les acrobates s’écraser. Pourtant, des années après, chaque fois que je me suis trouvé sur le passage de l’une d’elle, j’ai espéré secrètement revoir la baraque de Jackson et le Gitan Garcia. Qu’est-il devenu depuis le temps et après tous les coups reçus ? Qui se souvient de lui ? Si toi aussi, tu l’as connu, j’aimerais que tu apportes ton témoignage

 

------------------------------------------------------

 

Su un autre site, j'ai trouvé cette formidable restitution du boniment de Jackson à la parade de la foire du Trône, que j'ai adorée aussi:

 

Jackson, gros baratineur, interpelait quelques gros bras dans la foule (des compères); il demandait au quidam qui voulait 'tirer' : "que faites-vous comme métier?", le balaise répondait "je suis boucher à la Villette" !!

Ce balaise aux oreilles en chou-fleur voulait souvent un nommé Garcia qui était préposé a tous les postes de la lutte, même comme judoka! mais Jackson ne voulait pas car Garcia était un poids plume! Jackson préférait un grand noir, balaise , qui soulevait toujours un gros poids bras tendu ; il le présentait toujours comme un "beau poulet de grain".


Le boucher de la Villette disait alors: "je vais en faire une escalope de ton gitan". Alors Garcia s'énervait. Monsieur Jackson disait dans le micro : "mais non Garcia, t'énerve pas, il a dit escalope, il n'a pas dit salope". "Montrez moi vos papiers Monsieur, car avec celui là, je ne peux pas prendre n'importe qui
. Garcia il veut du pancréas*.

♫ Roulement de tambour ♫

Oh là là, Garcia écoute ça, il est Professionnel toutes catégories. Mais où tu vas, reviens. Comment ça, tu ne veux pas lutter avec lui. Mais non tu ne vas pas avoir des problèmes avec la fédération. Et puis devant tout le monde tu ne peux plus reculer, prends le, à mon avis s'il tombe il ne pourra plus se relever. Ok, Monsieur, il est d'accord pour se battre avec vous. Tous les coups sont permis. Il y a une seule chose qu'il n'accepte pas, c'est que vous lui tiriez les moustaches. Le boucher : "je vais lui faire bouffer ses moustaches". Mesdames, Messieurs, c'est la plus belle séance, à droite et à gauche l'entrée, aujourd'hui c'est le prix pour l'ouvrier, on lutte, on lutte, on lutte. Ca va commencer dans quelques minutes".

 

* pancréas: une approximation de Jackson pour "pancrace", quand tout est permis: pieds, poings et tête

----------------------------------------------------------------

Et au final, à piocher un peu partout sur internet, j'ai fini par comprendre que la photo ci-dessus n'est pas celle de Garcia le Gitan: l'auteur de la lanterne de Diogène a mélangé ses souvenirs, et il l'a même avoué ensuite dans les commentaires sur son blog. En fait sur cette photo, c'est Popoff le Gitan, et non pas Garcia le gitan.

Le vrai Garcia le gitan n'était d'ailleurs pas gitan, il était portugais, c'était le beau-frère de Jackson, et il travaillait chez Simca. Mais je n'ai pas su trouver une photo de lui avec certitude.

Mais je crois bien qu'il est à droite ici, lui, le poids plume, le faux méchant en break ID.