<Tribune Libre>
La sortie "Vitesse", une aventure du Cescqual, par le Dr Danche
En Mars 2022, le Cescqual avait été invité à un
dégagement hors les murs par mon ami Corsaire, au sein d'un cercle
parisien d'amateurs de véhicules de collection et de prestige.
La destination
était le château de Compiègne.
Inutile de vous dire qu'au vu du plateau attendu,
ID, DSuper et autres fausses Pallas étaient restées
au box, et c'est le vaisseau amiral du Cescqual qui avait été sorti.
Madame Danche, pour profiter d'une magnifique météo
printanière, avait sorti son plus beau châle, tricoté main,
tricoté
coeur.
Si vous l'ignorez, le château de Compiègne accueille
le "musée national de la voiture et du tourisme".
Il conserve entre autres la "jamais contente",
la fameuse voiture électrique qui atteignit 100km/h en 1899.
Il y a aussi sur place le vélo des records de José
Meiffret, dans les années 60.
Si vous ne voyez pas de quoi il s'agit, ou comment
on peut atteindre presque 200km/h à bicyclette, visitez ce lien,
vous ne serez pas déçus :
https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/cpf04007546/cent-quatre-vingt-six-kilometres-a-l-heure-a-bicyclette
Et pour les Citroënistes, il y a entre autres
dans le musée une vitrine (sous alarme) de jouets Citroën
des années
30, et une authentique autochenille de la croisière noire
("l'Eléphant
à la Tour").
Pour cette expo temporaire dénommée "Vitesse",
des bolides avaient été ajoutés aux collections
habituelles, et avaient été mis en scène dans
l'architecture grandiose du château, avec un rendu formidable.
L'aventure du Cescqual commence à la sortie
de cette exposition, sur le parking du parvis du château.
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L'organisateur prend alors la parole et nous indique
que nous sommes maintenant attendus au château d'Ermenonville,
pour un déjeuner de standing, où nous aurons droit
pendant l'apéritif
à un quizz sur l'automobile, avec des lots à gagner.
Il ajoute
que nous sommes un peu en retard, car nous sommes attendus à 12h30
dernière limite, mais pas besoin de se presser: le trajet sera
une formalité de l'ordre de 35mn. "Soyez prudents sur la route"
est sa dernière consigne.
Chacun sourit, il fait beau, c'est les vacances,
et Madame Danche et moi regagnons donc notre automobile de prestige.
La DS démarre, chuinte, monte, avance doucement
et s'installe dans la file des voitures de collection qui vont
se lancer à l'assaut des routes de l'Oise.
Mais là, au sortir du parking, des manoeuvres
énigmatiques commencent: les voitures se rangent toutes sur le
côté, et la DS19
remonte la file contre son gré.
Car il venait d'être décidé en haut lieu de
faire honneur à la DS 1961, doyenne du plateau. Elle prendrait
donc la tête du convoi vers le restaurant.
Madame Danche ne fuit pas ses nouvelles responsabilités,
et programme dans son téléphone la destination d'Ermenonville.
Et nous voilà partis.
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La route choisie par le guidage
digital passe dans la forêt, elle n'est pas très fréquentée et
très
jolie. Avec Madame Danche, on se retourne de temps en temps pour
voir avec fierté les engins sportifs multicolores qui nous suivent:
Triumph, Lotus et même Ferrari suivent docilement la vieille Citroën
sur les petites routes. C'est à la fois chic et poétique.
Au bout de 20mn, je regarde derrière moi,
et je constate que la chenille automobile, qui au départ
comptait une bonne vingtaine de voitures, est désormais réduite à 4.
Les autres ont du se perdre.
Et on continue de rouler, et de voir des panneaux
indiquant des bleds inconnus, quand tout à coup, presque en pleine
campagne, on arrive à une entrée d'autoroute!
Madame Danche m'affirme "tout droit",
on rentre donc, et on prend un ticket: c'est bien l'itinéraire
de Madame Danche, mais c'est devenu atrocement suspect. Outre le
temps énorme qui
s'est écoulé depuis le départ, l'idée
du trajet, c'étaient des
petites routes, et il n'y a pas d'autoroute entre Compiègne
et Ermenonville.
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C'est alors que l'organisateur, qui a lui aussi
pris son ticket, vient à notre niveau et baisse la vitre
de sa DS21 Pallas.
J'entends des bribes de phrases, que je reconstitue
grosso modo comme:
"mais qu'est-ce-que c'est que ce bordel? On est attendus à midi
trente!! Mais
où vous nous avez emmenés? On passe pour des cons!!
Mais enfin, où on
est??"
L'organisateur, qui est de mes amis et que je sais
parfois sanguin, ne se maîtrise plus: il faut dire qu'il est attendu
au restaurant avec ses quizz et son discours d'accueil, et est
à 50km du point de rendez vous. En plus il vient de rentrer
sur autoroute et ne peut plus faire demi tour: il devra sortir à la
prochaine, accentuant encore le détour.
Il part alors, fulminant, pied à la planche.
Le moteur de sa DS21 gronde comme le tonnerre d'un dieu scandinave,
et il s'éloigne à une allure que je pensais impossible
pour un modèle D: c'est l'expo "Vitesse", mais
quelque part au Nord-Ouest de Compiègne.
Madame Danche reprogramme alors avec calme et soin
son système de guidage atteint de Poltergeist, et nous reprenons
la route, à la tête d'un convoi désormais réduit à deux voitures.
"On y sera dans 45 minutes" m'annonce fièrement ma copilote avec
une insouciance désarmante.
Et nous voilà donc sur l'autoroute, à
contre sens de la direction souhaitée.
Mais peu après, on repère une fumée blanche qui
opacifie les voies.
La DS n'a pas de warning, mais je ralentis prudemment et on s'approche
lentement: la DS21 est là, sur la bande d'arrêt d'urgence,
capot ouvert, avec des volutes qui s'en échappent.
C'est dans ce genre de moment que des amitiés de
vingt ans peuvent se fracasser.
On arrive donc dans nos petits souliers,
pour trouver les mots pour compatir à ce coup du sort, et
proposer
à l'organisateur d'amener sa femme, par le chemin le plus
court, au château d'Ermenonville, pendant que lui attendra l'assistance.
"C'est gentil", marmonne-t-il: son stress
est retombé et s'est transformé en une loose insensée.
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Au final tout s'est bien fini: nous avons rallié
Ermenonville avec la femme de l'organisateur, qui n'en faisait
pas une montagne.
Et après avoir été
dépanné, lui-même a pu arriver au château sous
une ovation, manger quelques restes du festin et faire son quizz
au dessert.
Et à la fin, beau joueur, il a même offert une
rose à Madame Danche.
Et aujourd'hui nous sommes toujours amis!
Un grand merci, Corsaire, pour cette sortie et
ce souvenir qui me fait rire tout seul très souvent quand j'y
repense!
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Et en forme de droit de réponse en provenance
de Corsaire:
Si la mule du pape avait gardé son coup de pied pendant
7 ans, le Docteur Danche a lui aussi la mémoire longue.
Cette aventure, Corsaire ne l’emportera pas au paradis
des citroënistes et ce n’est que justice. La colère
est mauvaise conseillère.
Quant aux défaillances de la DS 21, la vérité est
un peu différente dans la mesure où une avarice de
LHM (bocal presque vide) en était la cause.
Mais les mieux informés se souviendront d’une
bielle coulée en 1992, une nuit de janvier sur l’A6,
par péché d’orgueil.
On pourrait continuer avec toute la liste des autres péchés
capitaux dont ce pauvre Corsaire est coupable; il ira direct
en enfer, sans un ultime réconfort hydropneumatique dans
les chemins cahoteux du purgatoire.
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