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 Le grand écart, par Laurent G   Sur quelle case de l’échiquier automobile peut-on placer la  DS ? Ou plus sérieusement dans quelles cases, au pluriel ! Car rarement  voiture a pu, comme l’a été la DS, être écartelée entre les extrêmes, durant  ses 20 ans de règne, tenant tête par la même occasion à 3 générations de  Peugeot des plus conformistes.
 HabitabilitéLe grand écart est ici à l’image de son empattement  démesuré, probablement jamais égalé depuis dans l’industrie automobile  Française. Cet empattement est à l’origine de l’habitabilité incontestable de  cette voiture, j’ai nommé la DS. Habitabilité incontestable, mais pourtant  contestée dans un premier temps par l’auto-journal, alors en froid glacial avec  Citroën, qualifiant avec une certaine mauvaise fois, lors des premiers essais  de DS, l’habitabilité comme "acceptable pour quatre personnes" !
 Les lieux
 Ah cette DS des grands espaces ! D’abord routiers, puis  autoroutiers, monopolisant comme chacun sait la file de gauche, usant de  l’appel de phares et du caractéristique avertisseur ville-route à compresseur.  Mais également taxi confiné à la ville, aux feux rouges et autres  embouteillages, prisé des habitants de la capitale, malgré l’absence probablement  handicapante, à la fin de son règne, d’un moteur diesel (autres temps…)
 Profil du propriétaire
 Voiture d’hommes d’état, donc voiture de vieux. Puis beaucoup  plus tard appréciée des loubards, d’où voiture de jeunes, à défaut de pouvoir être  cataloguée comme celle des truands comme a pu l’être la traction par exemple. Mais  entre les deux, le père de famille aisé fut certainement un des plus gros  consommateurs de cette Citroën.
 Les versions
 Ah la Pallas! Ses innombrables baguettes, son incontournable  moquette épaisse alliée au moelleux généralisé de l’habitacle, les garnitures  aux noms mystérieux, l’alu transformé en inox… D’ailleurs, pourquoi avoir  choisi de l’appeler Pallas ? Elle aurait carrément pu s’appeler Versailles,  Elysée ou Chambord, témoins d’une histoire plus récente, si ces noms forcément  un peu prétentieux ne s’étaient vus appropriés par une certaine concurrence.  Elle n’a pas été nommée non plus du nom d’un célèbre carrossier associé,  Chapron pour ne pas le nommer, ce que Ford ne se gêne pas de faire depuis bien  longtemps, dénaturant par là même l’image de Ghia ou de Vignale. Enfin Pallas  c’est tout de même le grand luxe, cette décoration et la finition associée dont  se trouve démunie, son appellation hypocrite en est une sorte de confirmation  marketing, l’ID 19 luxe qui, esprit de gamme oblige, aurait aussi bien pu s’appeler  Spartiate.
 L’usageVoiture de course, qui remporte aussi bien le rallye de  Monte Carlo que le tour de Corse et autres rallyes du Maroc, ce qui n’est quand  même pas rien ! Mais aussi voiture de gens calmes, au service d’une  certaine bourgeoisie Française, notamment à travers le confort de cette fameuse  version Pallas qui sera un succès 10 ans durant.
 Les couleurs
 Noire lors des représentations officielles, blanche  lorsqu’il s’agit de transporter des malades, mais elle n’en reste pas là. En  effet, en opposition totale à la traction, ce que l’on ne pourra jamais  reprocher à la DS, dès sa présentation, c’est de manquer de couleurs ! Le célébrissime  site du nuancier en est le témoin incontestable avec, si j’ai bien compté, 82  références de teinte pour la berline durant sa carrière. Qui dit mieux ?
 La vitesse
 Certains, surtout à ses débuts et jusqu’au milieu des années  60, lui reprocheront son anémie, son manque de tonus. Les mêmes ou d’autres,  quelques années plus tard, s’enflammeront des performances d’une certaine DS21,  puis injection électronique, puis 23… performances quasi inédites pour une  berline Française de grande série d’alors. Même si le moteur ne semble  techniquement pas au niveau de l’ensemble. Ah si le 6 cylindres à plat avait  été de la fête ! Mais avec des si…
 La consommation
 Les grands rouleurs au volant d’une 23 injection auront pu constater  que les 65 litres du réservoir se vidaient bien rapidement, notamment lors des  raids autoroutiers pied au plancher. Cela n’a malgré tout pas empêché certaines  ID 19, à l’antique mais frugal moteur 1911cc 3 paliers associé à la boite  longue, de se tailler une belle part de succès dans les concours d’économie, à  la mode dans les années 60.
 Le confort
 Fréquemment pâles et barbouillés sur la banquette arrière, certains  bambins supportent mal la flexibilité « hydropneumatique », que  certains iraient jusqu’à qualifier de maritime. Puis l’âge adulte arrivant, une  fois leur tour venu de se mettre au volant, ils ne tarissent plus d’éloge sur  le confort et l’agrément de ce véritable coussin sur roues.
 La fiabilité
 Que n’a-t-on pu entendre sur la fiabilité de ce vaisseau  extraterrestre à ses débuts. Des fuites partout, tout le temps. Un départ au  volant ne signifiait pas toujours une arrivée en roulant. Sans compter l’apparente  complexité rebutant le mécanicien de la ville comme de la campagne. Et  pourtant, autour d’un moteur et d’une boite de vitesse vraiment solides, les  fuites devenant de plus en plus rares notamment une fois le LHM adopté, la  situation s’est retournée. La DS est non seulement devenue fiable, mais sa  mécanique est réputée inusable dans le contexte de son époque.
   Finalement, pourrait-on affirmer que cette DS, qui couvre  visiblement un très large spectre, fait le grand écart dans tous les  domaines ? Pas vraiment, parce qu’à l’évidence elle n’est pas moche, elle  n’est pas insipide, elle n’est pas non plus conformiste. Et comme elle n’est  pas prétentieuse non plus, elle a vraiment tout pour séduire ! Difficile de ne pas l’apprécier à sa juste valeur. Ceux qui la  connaissent mal ne savent pas ce qu’ils perdent…
 LaurentG
 
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