<Tribune Libre>

Histoire de la mayonnaise, par Dominique  

Mai 1960 : j’ai toujours en ma possession la facture à cette date de la 1ère DS de mon père.  



...la carte grise

Également le certificat de garantie de 6 mois. Six mois, pas fous chez Citroën, avec tous les problèmes de DS affalées dans une flaque de sang LHS… 

Cette DS était jaune Panama, « mayonnaise » dixit mon Papa, toit blanc Carrare. Toujours dixit celui-ci, « j’ai hésité avec la rouge tomate, mais j'ai eu peur de m’en lasser… »

ND DrD: voilà un bel affront au magnifique Rouge Estérel du nuancier 1960, qui ne restera pas impuni

Il a longtemps attendu, dès les premières sorties, avant de se porter acquéreur d’une DS, ayant entendu tous les problèmes de cette voiture.

Nous avons donc attendu, gardant la Traction 11, puis une Chrysler New-Yorker 8 cylindres en ligne, qui ne tenait pas la route et n’avait pas de freins. Inhérent aux Américaines de l’époque.  Puis, en 1960, la DS devenant fiable, tout du moins devant devenir fiable, avec ses cendriers sur les ailes pour refroidir. Refroidir Dieu sait quoi ? Car il les a accumulés les pépins. C’est simple disait-il, avec le coût de toutes les réparations, j’aurais pu acheter une Jaguar Mk II. Ce qui était sans connaître les problèmes de ces Anglaises.  Une Mercédès 220 SE, pourquoi pas ? Mais 15 ans après, l’Allemagne n’était pas encore dans ses petits papiers.
Hésitation également avec l’ID, mais pour avoir une Traction simplement recarrossée, quel intérêt ? Et puis une DS, c’est La DS !


(ma mère, dans les années 60)


Début juillet, départ en vacances direction Nice. Ce ne sont pas ces 1.000 kms qui qui vont servir de rodage. Alors, trajet Paris-Fontainebleau / Fontainebleau-Paris jusqu’à atteindre le chiffre fatidique. Puis direction la grande bleue. Maman devant, la bonne et moi derrière. "Papa-Maman-la bonne et moi," en moins pittoresque heureusement. Quoique, la bonne criant à Papa de s’arrêter vite-vite, le petit va gerber. Ouais, pas exactement le même vocable, mais pour le même résultat. Coup de frein sur la N7, bas côté, Maman se retournant précipitamment pour ouvrir la porte arrière droite en même temps que la bonne, on n’est jamais assez de deux pour parer au + pressé ! Au fil des kilomètres, l’estomac du moutard s’habitua. Ceci étant, il était maintenant vide. 
Cette DS qui aurait probablement dû être immatriculée JY, JZ 75 eût KA 75, mon père voulant ce début de lettrage, et un numéro à 3 chiffres pour terminer la plaque arrière avec le « F » dans la même mouture. 


Cette DS, 75cv, filait sur l’autoroute à 150 km/h compteur, soit environ un bon 140, mais le faisait râler quand, un camion, une caravane, ou un autre trainard sur la route l’obligeaient à rétrograder de 4è en 3è, voire de 3è en seconde, et que le moteur de la voiture rugissait sans aucune puissance pour doubler. Il regretta toujours de ne pas avoir, su bien sur, attendu l’année suivante pour le 83cv et le système électrique en 12 volts. Il fit toutefois poser la pratique petite poignée de coffre. Mais il n’aurait pas pu avoir sa couleur mayonnaise, restée uniquement sur le millésime 60, et qui termina sur la 2cv 1961 au nouveau capot. 

ND DrD: une petite photo de presse pour illustrer la teinte sur 2cv

Une fois sur la côte, toujours les mêmes occupations : matin, bateau fifils et Papa, seuls vrais, mais trop courts moments passés avec mon père, entre hommes. Homme et p’tit bonhomme plus exactement. Puis, invariablement, vers 16h, direction un des villages voisins > tea-time. À 6 dans la voiture : Papa, moi, ma Tante devant, et Maman, une petite copine-voisine (déjà !), la bonne. Deux sièges avants, une banquette arrière, 6 places sur la carte grise. Ce qui changea en 5 places ultérieurement. 
Durant ces interminables trajets, mon père se traînant sur les route de la basse, de la mienne ou de la haute corniche, ce qui occasionnait une file de voitures derrière. La honte ! J’imaginais la locomotive et tous ses wagons derrière. 

Mais dès que que l’on prenait, pour de vrai, la route + le peu d’autoroutes, à l’aller comme au retour, il n’était plus le même conducteur, et la DS filait sur la voie de gauche, telle une DS. Pour mon plus grand plaisir. Je m’amusais à regarder, lorsque la chaussée était mouillée, les voitures doublées remettre leurs essuie-glace.
Ayant une petite Morris Cooper pour Paris, avec laquelle, il s’amusait -moi aussi, une fois mon permis passé, il me la donnait-, il changea cette grand-mère de 12 ans n’ayant que 80.000 kilomètres, pour une 20 Pallas -quelle idée, pourquoi pas une 21 ?- 1972, sable métal, cuir havane et bien sûr toujours boîte hydro. Ce fut sa dernière DS, que je conservais à son décès en 1982.

Un jour, un gars, en Spécial (pfou !!!) me refusa la priorité. Résultat : pare-chocs, roue avant en retrait, unit, aile et portière avants HS. Je crus la voiture morte, que nenni (c’est joli !). L’expert qui vint la voir au garage aimait les DS, il l’estima 12.500 francs, ce qui était malgré tout une jolie petite somme à l’époque. En fait, il calcula le prix de la remise en état. Je la fis donc réparer et en profitais pour la teindre en beige Tholonet, ton un peu plus foncé que le sable métal, et changer les panneaux de portes qui commençaient, malgré son parfait entretien à se piquer. On en trouvait encore à cette époque.
Elle était belle la DS de Papa. Vieille voiture à l’époque où l’on voyait plutôt des chamarrées patch-work de tous les tons. Sans parler des customisées. Elle faisait tourner bien des têtes de connaisseurs. 
Elle allait correctement sur l’autoroute, 170 compteur grand max, mais que de temps pour y arriver !
J’ai voulu faire partie d’un club, je pensais que ce sera sympa. Mwouais, parlons-en ! Je ne donne pas de nom, mais ce n’est pas un des moins connus bien au contraire. Cela a dû changer, je l’espère pour les « gentils membres ». J’arrive un soir au lieu du rdv, et là, déjà j’ai compris ! Les regards sur la voiture, pas aimables, scrutateurs. Quelle année ? Qu’a-t-elle qui ne va pas ? Nouvelles poignées affleurantes, ok. Sigle DS sur le custode ok. Ah mais, mais quel modèle, il n’y plus de sigle sur le coffre. 20, 21, 21ie ? Quelle hérésie et, pourquoi pas une « Pallassisée ». C’est marrant, ça se voit, se lit sur les visages. Bon, diner agréable à une table avec des gens parlant de tout et de rien, et très sympas.

Puis au moment du départ, salut à tous, à bientôt j’espère, vraiment très sympa. Chacun regagnant sa voiture, pas nécessairement une DS. Et là, cerise sur le gâteau, Mamie ne veut pas démarrer. Après maints et maints essais, le démarreur tourne, mais la voiture ne veut pas démarrer. Bien sûr moteur noyé, empestant l’essence. J’attends un peu, puis réessaye sans succès. Il n’y a plus grand monde, que des professionnels, reconnaissables à leurs discussions. Je leur explique, et là, rien, absolument rien ! Démerde-toi mon gars ! Je ne me voyais pas laisser la voiture dans cet endroit où elle n’aurait pas fait long feu. Je décide le tout pour le tout. Contact et levier de vitesse sans cesser une seconde. Au bout d’un moment qui me parut une éternité, Mamie crache et démarre sur 3, sinon 2 pattes. Et là, il faut bien connaître sa voiture avec le dosage pour ne pas la laisser caler. Je laisse tourner jusqu’à ce qu’elle ne ratatouille plus. Je pars et remercie très aimablement les autres cons. Alors, les réunions-clubs depuis…

Mais Paris, petits trajets intra muraux, bof ! Je décidais d’emmener ma DS à la campagne. J’avais une petite grange où je pouvais la laisser à l’abri. Je me promenais sur les petites routes campagnardes. On était bien bien là, à la fraîche, paisibles, décontractés du … etc… etc… cf Les Valseuses.
Puis j’allais de moins à moins à la campagne. Je ne m’occupais plus d’elle. Les chromes tant extérieurs qu’intérieurs n’aimèrent pas l’humidité et commencèrent à se piquer. Elle prenait la poussière et les toiles d’araignées. Je me lassais de ma poupette. Heureusement, qu'un jour de 2010, un vieux pote vint, et vit Mamie. Il me demanda si je voulais lui vendre. Pour rien au monde je ne l’aurais voulu, mais connaissant le bonhomme, je savais qu’elle serait entre de très bonnes mains. Elle redémarra au 1/4 de tour, et rentra sur Paris. Chemin faisant, elle perdit son échappement !!!
Le nouveau proprio l’a repeinte dans sa teinte d’origine, et lui fit faire le toit en blanc. Ça lui va très bien. J'aime moins la flèche de capot. En tout cas elle est depuis bichonnée, plus qu’avec moi.

Quant à moi justement, les années passent. Les miniatures, ben c’est pas ça. Le virus est toujours présent. Et … je trouvais et achetais une 21ie Pallas bleu platine 1971, encore et toujours en boîte hydro chez un spécialiste bien connu. C’est simple, je n’ai jamais conduit une DS manuelle. 


Elle fit 600 kilomètres d’autoroutes pour aller de son établissement à chez moi. Pas de souci : 140 compteur, soit un bon 130 réel sans regimber. Qq ratés par moments qui nous inquiétaient un peu, l’ami qui m’accompagnait et moi. Arrivés chez nous, nous ne nous en étions pas rendus compte, mais nous empestions l’essence et les gaz d’échappement : je comprends mieux le mal de tête maintenant ! Bref, nos compagnes respectives nous demandèrent de nous dessaper tout de suite, et entièrement ! Non non … pas … non non, à 65 piges les folies de sauvages de son corps, c’est fi-fi - ni-ni - fini > pas rêver non plus !!! « Mais t’empeste l’essence et les gaz d’échappement … «  > fringues immédiatement au lave-linge.

Sur ce, dès les jours qui suivirent, nous menons la belle dans un petit garage perdu dans les pins, au coeur de l’Estérel. Le patron, passionné d’anciennes, trouva la voiture splendide. Pas la moindre trace de corrosion, 120.000 à priori vrais kilomètres.
Il changea le réservoir d’essence devenu poreux. Quand on pense que celui-ci est directement sous la banquette arrière, dans une fosse conçue à cet effet. Il remit des, pattes, des colliers et refixa les divers tubes d’échappement. Les cinq sphères furent changées. Des détails, des réglages divers par-ci, par-là, et tout à l’avenant. 
Donc des bêtises, des babioles, plus ou moins anodines, mais conséquentes. Il faut  tout de même « un peu » de sous. Sachant en outre, à part certains modèles, qu’une ancienne est pour le plaisir. Quant à la plus-value, ne pas trop y compter > c’est ma danseuse !!!
Autre preuve aujourd’hui encore, l’intérieur velours bleu est à refaire > xxx euros … 
Mais je suis ravi. Elle file celle-ci, on sent vraiment la puissance à tous régimes, tant sur la route que sur l’autoroute où elle n’a rien à prouver, et peut encore tenir tête à certaines. 

Le Docteur Danche ayant insisté, je reviens sur la DS mayonnaise: qu'est-elle devenue?

Je l'ai donnée à qqu'un d'un club Citroën, pas celui dont je parle plus haut, vers 1985/1986. Il était à Vernon dans l'Eure, et possédait une multitude de DS et Tractions en tout états sur un terrain immense. Je crois me souvenir que son nom était Étienne Christian, sous toutes réserves. Son mécano s'est occupé un temps de l'entretien de ma DS 20, et ils ont restauré de A à Z une 11BL de 1950 que j'avais achetée à l'époque.

Ils sont venus prendre la mayonnaise dans le garage où elle avait été stockée à Beaulieu-sur-mer dans les Alpes Maritimes. Le moteur était bloqué à la suite de sa trop longue immobilisation. Noter la poignée de malle rajoutée. Le pare-chocs arrière avait été changé.

Pour le rapatriement elle a été posée sur une 23 Tissier rouge, toit vinyle noir qui apparaît dans certains ouvrages.

Sur cette seconde photo, on voit son rétro intérieur.
C'est mon père qui l'avait changé pour mettre celui du nouveau tableau de bord année-modèle 62. Il préférait parce que plus grand.

J'ai appris ensuite qu'elle avait été restaurée pour un musée (?) ou autre établissement (?).
On lui aurait mis un moteur 83cv d'occasion, et elle aurait été convertie en 12 volts.

L'intérieur, de mon temps, était l'hélanca marron, qui avait bien vécu !
Mais ils ont mis un intérieur rouge de récupération.
Pas terrible comme mariage de couleurs !

Et le rétro intérieur de mon père est resté.