<Tribune Libre>

Le déessiste frustré revanchard dépucelé sur le tard, par Ulric  

 

Messieurs (combien de copines lisent ces pages tout de même fort masculines ?…),  je me joins à votre choeur pour chanter les louanges de nos muses mécaniques et conter mon passage de la pédale au champignon avec Madame Simone, une 19A 67 Pallas BVH ex-Lot un peu remaquillée (aïe !  Déjà une pastille à avaler pour les puristes).

 

1.  Protohistoire - Saint Nic, pas moins ordure que l'autre

Madame Simone sortait du quai de Javel en blanc Carrare (pour aller vers le sud-ouest, vu les macarons du 47 ?  Quelqu’un ici près de Prudhomat ?) que papa achetait sa 404 familiale.
J’en fus très fier, tout de même, et j’appris 10 ans plus tard la conduite sur cette rustaude.  Mais, tout petiot déjà, j’avais dans l’oeil la DS, pourtant inexistante dans notre coin de brousse au Katanga.
 
C’est vers 67 que j’ai dû écrire à Saint Nic, lui commandant une DS break bordeaux, mais ‘grande’ (je voulais dire 1/20e, mais je ne savais pas si bien calculer que ça).  Je conduisais une jeep made in papa, j’avais un cabriolet DS bleu électrique métallisé avec une capote blanche et les phares ‘en diamants’, et je voulais une ‘vraie’ DS, un break comme papa, avec beaucoup plus de détails que ma trop modeste Corgy Toys.
Saint Nic sous les tropiques, bigleux, mal fourni, gêné par l’imprécision mathématique de ma commande, ou dûment informé par un certain DD du fait que les Safari étaient des ID, me déposa un circuit de voitures de course… 
Ce méchant coup resta fixé dans ma mémoire.  Avant même que ce soit dit du Père Noël, je le savais, moi, que Saint Nic en était une…

Cependant, à chaque séjour en Belgique je m’extasiais devant les DS et m’inquiétais :  est-ce qu’il y en aurait encore quand je serais grand ?

 

2.  Préhistoire - péchés de jeunesse

Ado rapatrié dans la grisaille, je fus aveuglé par la SM à 12 ans et la CX à 15.  Plein la vue, ça suffisait !  Puis ce fut l’abaissement de l’âge de la maturité et l’heure de m’intéresser au matou.  Enfin je sombrai dans l’écologie et la pédale :  toujours rebelle en selle, jamais de voiture.  Quasi toute ma vie professionnelle fut orientée vers la petite reine (je passe les détails, qui donneraient le mal des passagers arrière aux estomacs sensibles).

 

3.  Ma DS, doigt d’honneur au Saint et à la raison

Je revins en enfance à la cinquantaine.  Tout juste et enfin casé, je pris ma revanche.  4-5 ans à régulièrement écumer les annonces dans l’Europe entière, à me rincer l’oeil tant que je pouvais jusque tard dans la nuit, prenant des notes que je perdais mais qui fixaient les idées. 
Tout vient à point à qui sait attendre.  Dans la périphérie de la plus prodigieuse cité de l’Univers, Bruxelles, il y avait un Eddy bien plus intéressant que le pédaleur :  il venait d’importer des Pays-Bas (Geert a raison :  remercions les hollandais…) cette Pallas gris palladium/gris clair BVH sellerie six mules tannées havane tableau de bord sixties deuxième nez.  Plus besoin de réfléchir à la barbe au-dessus ou en dessous des couvertures :  la DStinée en avait décidé.

Mes connaissances techniques se limitaient à donner 10 points au liquide vert.  J’ai donc suivi en quelque sorte la façon « J’aime / J’aime pas » de Paul.  Hormis le LHM, mes balises furent : 
(a) l’esthétique (numéro 1 chez le mâle moyen, disent les scientifiques) :  le 3e nez, c’est plus froid, tranchant, acéré - ça ne s’explique pas, mais les boules ont toujours eu ma préférence (et pas ces espèces d’excroissances qu’on voit sur la photo de madame Olga S :  des bavures, autant le cabriolet que ces appendices - je m’arrête là pour ne fâcher personne) ; 
(b) la magie du levier à deux doigts avec le mouvement souple du poignet :  charme et distinction typiques et exclusifs de la DS face aux gesticulations d’une BVM de bourrin (je ne vais pas plus loin sur le levier à pleine main, ça n’intéressera personne) ;
(c) une injure :  le 3e tableau de bord (doublement désolé, Paul :  « si »  Citroën avait pondu un tableau de bord sur le registre SM, hein ?) ;
(d) une phobie :  depuis les vaccins de mon enfance, le métal dans mon intérieur me crispe - alors Pallas, logique ;
(e) un interdit :  le cuir noir, oui - mais pas dans un fauteuil.
 
Contrairement aux (d) et (e), mes fesses n’avaient jamais vu une DS :  je ne connaissais la merveille que de vue et de renommée et ne savais même rien des pastilles, n’ayant pas encore découvert cette vraie bible qui nous unit.  Que cette élégante pût avoir été blanche d’origine ne me pénétra même pas (quelle sottise, quand il y a le gris palladium - ou alors blanc intérieur rouge, oui) ;  façon « madame devant une vitrine » (un peu sexiste, mais j’entends déjà le murmure d’acquiescement), ça n’aurait rien changé :  je me suis souvenu plus tard avoir entrevu « blanc » sur la carte grise, mais j’ai zappé quasi consciemment - la perception sélective, c’est aussi scientifique. 

Ce fut ainsi décidé sur le champ, sur le principe du speed dating :  7 secondes départ arrêté (toujours scientifique, si, si !).  Voilà comment c’est quand on sait ce qu’on veut et qu’on se fie à l’animal en nous.  L’essai eut lieu, logiquement, immédiatement après la décision à objectiver (biais de confirmation, on reste dans le scientifique).

Sur le chemin de retour, pédalant ces 10km le long du canal, guilleret comme après une rencontre galante, le nom de la toute première (et toujours unique) voiture de ma vie m’est venu tout naturellement :  Simone - MADAME Simone.  C’est une parisienne, élégante avant tout.  Respect.

N.B. :  sur ce sujet, j’en veux un peu à Thierry, même si je ne suis pas concerné, mais allez !  il y a quelque chose de malséant…  J’en sais rien, Titine ??…  Ca fait deuche - sans jeter la pierre à cette autre fabuleuse Citroën…  « Titine ?!  Titine ?!  Est-ce que j’ai une gueule de Titine ?! »  Allons, un peu de distinction ?… 
Tina ?  Une très belle référence DS, d’ailleurs (Cose della vita, alliant Tina-DS à Eros - trèès sexy, la Pallas noire elle aussi, des prises de vue qui évoquent une puissance tranquille, une sensualité forte mais sans tapage).  Ou Titina ?  On serait déjà tirés d’affaire :  tout le monde ici serait discrètement soulagé, j’en suis certain. 
D’ailleurs, DD, c’est pas une idée, ça, une rubrique déjantée « Son Doux Nom » (+ les surnoms de la DS en langues barbares) ?

 

4.  L'Olympe à perpète

Madame arriva dans le ménage et ma modeste collection d’oeuvres d’art 6 mois plus tard.  C’est pas un coûteux cabriolet (dont les proportions ne sont bien sûr plus DS, et à la place de LA poupe c’est plat comme le recto de Birkin - logique sur break, mais sur cabriolet c’est l’oeuvre d’un malfrat).  Mais c’était pas non plus les quelques milliers d’euro d’un Brompton haut de gamme ‘tuné’ à mort. 
Enfin, quand on aime, on ne compte pas, et qu’est-ce que 6 mois après un demi-siècle d’attente ?  Le temps d’une vente, et on n’en parlait plus, de cette facture :  maintenant seul le plaisir sur DS compte.

Madame Simone, c’est donc le clou de ma collection, ma poupée, comme l’admet avec bienveillance mon légitime - ce qui fait du bien sur l’oreiller, faut bien l’admettre (Thierry, j’espère que ça va quand même pour vous ?). 
Ah !  Oui - j’ai un scoop pour nuancierds :  dès que la DS était là, j’ai pu mettre le genou à terre (on avait l’essentiel pour les noces, pardi !), et elle est ainsi montée « EQUIVALENT PATRIMOINE MONDIAL DE l’UNESCO »,  photographiée par TOUS sur la Grand Place de Bruxelles, plus remarquée que son écrin architectural ! 
Il faudra maintenant songer à formaliser ça un jour - avec le siège à Paris, ce site à l’appui ?…

Quelques ennuis au départ, mais une garantie bien honorée (j’y avais quand même pensé dans mon empressement - sûrement le drill de la fameuse membrane de ma jeunesse), et de mon coté une patience sans bornes.
 
Aussi doué en DS qu’en vélo pour la mécanique, je suis pourtant plus disposé à comprendre ma française que mon anglais (je fais le grand écart entre deux genres de fadas :  2 Brompton -contre 3 français- entrent dans mon coffre, et j’allie in fine ainsi DS et petite reine).   Je m’enfonce progressivement dans cette jungle nouvelle qu'est mon hydro-pneumatique et ma BVH.  Ca occupera mes vieux jours.

Ceci m’amène à une petite digression mécanico-philosophique avec un autre « si » :  la BVH à 5 rapports ?…  Je trouve que s’il faut s’interroger sur un si, voilà le si si véritablement digne d’investigations et conjectures qu’il faut s’y pencher.  Car si la BVH avait eu la 5e, et si la DS BVH 5 était restée en production malgré la CX (pur phénomène de mode, comme les suivantes excepté la C6, la plus inspirée de la DS) ?  Est-ce que ça n’aurait pas changé la face de notre monde ?  L’ADN DS, finalement, c’est bien la BVH, en plus du style ?

Mais pour revenir à l’Olympe :  maintenant je suis (comme vous, certainement) comme mes toutous, j’aime sans borne et, dès qu’on peut sortir, je fais le beau, je frétille, je sautille, je jappe, j’attrappe les clés, je fais ma fripouille, je branchouille la batterie, et en voiture Simone !  Tout et chaque instant est naturellement joyeux 

Bien sûr, il y a mes contemporains marocains du quartier qui se la montrent, les cyclistes charmés qui me donnent le pouce levé, les jeunes qui ‘likent’, les touristes froncés qui bombent le torse, font cocorico, photographient, m’aident pour les créneaux ou s’arrêtent aux traversées pour piétons, et les chinois en chaussettes jaunes avec des raies bleues qui la regardent d’un oeil bête (Fais-moi mal, Johnny - envoie-moi au cieel, vrouuum !).

Mais même si on est ravi de l’effet civilisateur et édifiant qu’ont nos sculpturales ‘DS' qui, tout en retenue, répandent suavement leur inépuisable supplément d’âme sur le monde, l’essentiel du plaisir est strictement dans l’intimité :  la vision initiale (de côté, de face, par l’arrière :  orgasme), le capot à lever pour mettre le jus, les poignées (orgasme), le détail du seuil, cette portière épurée et capitonnée, le cuir bien profond (orgasme), ce plaisant tableau de bord, cet élégant démarreur sur BVH, les chuintements délicats, l’attente du lever de Madame (Monsieur rit dans sa barbe, mais orgasme quand même), puis lever l’exquise entrave du frein à pédale, poser la main sur l’épure du volant, jouer suavement de ce levier de vitesses, ce pied gauche reposé DANS la moquette sensuelle, ce fin champignon qu’on titille d’un orteil, tout le charme discret des détails, ces parfums, cette clarté, la vision initiale répétée à chaque escale et à chaque nouveau départ (ouaf !!  encore sortir et rentrer, ouiii !!), la notion de l’élégance, de la singularité technologique, de l’exception culturelle en mouvement - tout cela me pénètre et me titille où il faut, et c’est LE BONHEUR EN DS à n’importe quelle vitesse, sur n’importe quelle chaussée, par n’importe quelle météo. 
Je ne vous apprends bien sûr rien, sauf peut-être ceci :  c’est comme le bonheur à vélo, somme toute, juste sur un autre registre…  Essayez, vous verrez… 

 

5.  Déessiste fidèle, quand même

Il n’y aura pas de fin :  Madame Simone est et restera de la famille, elle sera bientôt au chaud sur la côte andalouse avec nous.  Du coup j’ai pensé lui mettre la clim, mais pour le prix j’ai mieux avec une C6 en bonus, ça me fera le duo des meilleures de la lignée (Coco, avais-je pensé pour la C6, mais ayant lu des choses pas chic sur CC, non… Mais Tina Tourneur, par contre, ou Eros-Tina ?…  Allez, Thierry, vous êtes-vous décidé ?!). 

Je pense que je dois rédiger mon testament afin d’assurer l’avenir de Madame aussi, car je l’aime comme Monsieur, dans un sens.  Par contre, lui, je ne vais jamais lui donner le volant, oh non !!!!!  Brrrr…  Hein ?  Faut pas exagérer, non plus, l’amour a ses limites…

Et enfin, comment me reconnaître ?  Car on ne me verra jamais à un rassemblement (ni en talons aiguille :  comment faisaient les travestis pour conduire une DS?…  Pour une fois notre DD ne sait pas…).  L’indice :  je ne reconnais plus personne, surtout depuis que je sais pour le WTC7 et le 11 septembre (la science, toujours, nous ouvre les yeux).  Un peu comme l’exprimait Thierry, ma DS, c’est mon refuge inexpugnable, mon village gaulois contre l’envahisseur yankee, mon idée fixe, mon p’tit grain de fantaisie qui nous sauve de la malignité du capitalisme sauvage made in US, mon demi musulman et moi (j’ai dû réfléchir :  la grammaire impose ‘ma moitié musulmane’ - mais c’est aussi incongru que des baguettes sur ID).  
Ainsi, si vous voyez une DS avec « Rethink 9/11 », vous saurez qu’elle a deux pédales (mais que le mmmystère est résolu) et n’est pas à vendre :  je garde mon tonneau d’âme et le supplément avec.  Cambronne aux tanks US (oh !  ces photos de la fine DS à côté du cétacé américain en 57 !).  Eviv la grande civilisation de la DS !  (une boîte des meilleures pralines belges à qui saura dire d’où vient cet étrange vocable)