<Tribune Libre>

La roue, ou comment couper en quatre les picots de caoutchouc, par Volubilix

Dans sa mise à jour du mois de décembre 2014, Dr Danche nous a concocté un sujet sur les pneumatiques, ce qui m’a donné l’envie de prendre la plume afin de combattre quelques idées reçues, en fait principalement des écarts de langage: nous employons tous en effet les mauvais termes lorsque nous voulons parler de pneus ou de roues. Nous disons roue quand nous devrions dire pneumatique, pneu quand nous parlons d’enveloppe, ou encore jante, quand c’est de roue qu’il s’agit. Une mise au point s’avère donc nécessaire.

Et quoi de mieux pour commencer la leçon que de se plonger au coeur des plus belles années du Quai de Javel, à la fin des années cinquante. En 1957, le jeune Jacques Wolgensinger se voit confier le poste de Directeur de Relations Publiques. Il résumait lui-même ainsi les débuts de sa prise de fonction : « J’avais été engagé pour répondre poliment par la négative à toutes les demandes émanant des médias. » Il est vrai que l’on sortait de l’affaire de l’Auto-Journal qui avait annoncé la sortie de la DS. Comme chacun sait aujourd’hui, Jacques Wolgensinger fera énormément à son poste, transformant les craintes de ses supérieurs en des innovations permanentes en matière de communication. Ses coups les plus marquants restent la création des grands raids 2CV (Paris-Kaboul, Paris-Persepolis), ou l’invitation faite aux clients gros rouleurs de tester un prototype (l’opération M35).

Ce jeune état d’esprit va naturellement imprégner toute une culture publicitaire encore inconnue du Quai de Javel, où le service concerné porte encore le curieux nom de propagande. Les documentations publicitaires d’époque, colorées, innovantes, artistiques, en sont la preuve. Pour expliquer aux plus jeunes la technologie avant-gardiste de la nouvelle DS 19, il est envisagé de faire paraître des pages de bande dessinée dans l’hebdomadaire Tintin (le journal des jeunes de 7 à 77 ans). Ces pages sont supervisées par deux personnes du service propagande : MM Puech et Trabaud. Superbement et intelligemment réalisées, ces pages sont un magnifique exemple de vulgarisation (consultez le sur ce lien), dans la plus noble acception du terme : tout est clair, précis, beau, scientifique et humoristique. Même le plus hermétique à l’étymologie grecque retient que la suspension hydropneumatique découle de hydro (l’eau) et pneuma (l’air).

Nous y voilà. Un pneumatique désigne donc un système qui contient de l’air.

Monsieur Michelin, par exemple, bien que manufacturier d’importance reconnu, nous vend rarement des pneumatiques. En revanche, lorsque nous jetons notre dévolu sur des 165 R 400 X ou des 180 HR 15 XAS, il nous facture des enveloppes, pas des pneumatiques (ou pneus) puisque ce n’en sont pas. ! Comme écrit plus haut, un pneumatique enferme de l’air. Un XAS seul n’enferme rien du tout. Ce n’est qu’hermétiquement relié à une jante métallique, aidé en cela par une chambre à air, qu’il constitue l’une des parties formant le pneumatique. Vous l’aurez compris, lorsque vous crevez, vous êtes heureux de savoir que vous disposez d’un pneumatique de secours. La seule présence d’une roue de secours ne vous permettrait, étymologiquement parlant, de ne rouler que sur la jante!

Première étape donc : ce qui est en caoutchouc noir (ou produits de synthèse aujourd’hui) fabriqué par les manufacturiers comme Michelin s’appelle une enveloppe. Le reste, métallique la plupart du temps, est une roue. L’ensemble roue + enveloppe s’appelle pneumatique (ou pneu). Nul besoin de préciser que l’appellation pneu plein est pleinement galvaudée. Un pneu ne peut être que plein d’air. S’il n’est constitué que de caoutchouc, c’est un bandage, comme sur les anciennes roues.

Venons-en ensuite à la roue proprement dite. Pour mieux en appréhender les différentes parties la constituant, rien de mieux que se référer à la bicyclette, dont il est aisé de distinguer les parties de la roue. Nous y voyons les rayons et la jante. Les rayons constituent le voile ou flasque de roue. Petite digression au sujet du genre de flasque : toujours masculin en mécanique, il ne prend le genre féminin que lorsqu’il prend la forme d’un petit récipient (pour du Whisky par exemple). Quant à la jante (féminine? ND DrD), qui reçoit enveloppe et chambre (c’est un peu différent dans le cas de boyaux), elle représente la partie indispensable à la constitution du pneumatique.!


Dans le cas d’une DS, la roue, qu’elle soit à vis centrale ou cinq tocs, est constituée de deux parties distinctes rivetées : le voile permettant la fixation sur le moyeu, et la jante sur laquelle se fixe l’enveloppe.


Deuxième étape donc : ce que nous appelons couramment jante est donc une roue, elle-même formée d’une jante et d’un voile.


Dans le cas d’une pièce en alliage (ou résine de synthèse pour le cas des roues RR optionnelles sur SM) moulée en une pièce, il est encore plus inexact de parler de jante. Nous sommes bien en présence d’une roue, dont la partie extérieure (jante) forme un tout inséparable de la partie centrale (voile). ! Pour appuyer cette vérité, quelques Chaprootistes rêvent d’offrir à leur coupé, coach ou cabriolet des roues Robergel à rayons. Personne ne parle de jantes à rayons Robergel. Il y a la jante, et le voile constitué d’un flasque central, pour permettre la fixation, et de rayons.!

Ce qui nous amène à la conclusion suivante: maintenant que vous connaissez les véritables appellations des pneumatiques, roues et jantes, vous savez désormais, qu’à moins de vous adresser à des connaisseurs qui partageront la même sensibilité technique et la même quête de la vérité que vous, eh bien vous continuerez à faire les mêmes erreurs de langage afin d’être sûrs d’être compris par les béotiens…! !

 

Merci pour avoir tout lu jusqu’ici, et, comme nunc est bibendum, bonne année, et à votre bonne santé !