<Tribune Libre>
les performances de la DS à son époque, par Nicolas
J’ai lu une fois sous la plume d’un inconditionnel de la DS qu’elle avait certes de mauvaises reprises et une vitesse de pointe sans éclat mais que grâce à sa tenue de route exceptionnelle elle se rattrapait dans les virages, ayant moins besoin de ralentir que les autres.
C’est méconnaitre totalement les conditions réelles de circulation de l’époque.
Le grand chantier des autoroutes a commencé dans les années 60 : on construisait des « mégots » par ci par là (inaugurés en grande pompe par qui-vous-savez) qui ne sont devenus de grands axes comme le Paris-Lyon que dans les années 70. Par parenthèse il s’est alors produit un phénomène imprévu : le joint de culasse qui pète à Auxerre. C’est que les voitures n’étaient pas conçues pour rouler à fond de manière prolongée et que les conducteurs n’avaient pas non plus l’habitude de gérer leur vitesse sur autoroute (non limitée). Après un départ pied au plancher sur un Paris-Marseille c’était le panache de vapeur garanti avant la Bourgogne.
Auparavant les grands axes étaient constitués des fameuses routes à trois voies que j’ai toujours trouvées de véritables pousse-au-crime. C’était selon le principe du tout ou rien : en ligne droite la voie du milieu était pour les deux sens, en côte et dans les virages, selon le principe de l’égalité, c’était à deux voies. Ce n’est que beaucoup plus tard qu’a germé l’idée qu’en côte il pourrait y avoir une voie descendante et deux voies montantes.
Par conséquent on était régulièrement en train de faire la queue derrière un camion ou une caravane en guettant le moment de déboiter et d’essayer de tirer des miracles de son moteur pour ne pas percuter le con qui faisait la même chose en face. Ce n’était qu’alors qu’on avait l’occasion de faire une petite pointe jusqu’au prochain camion, le prochain virage, la prochaine côte. Pas question de foncer dans un virage, on avait forcément un camion devant soi. La nuit à la rigueur, mais les routiers étaient déjà abonnés à la nuit. Ça nivelait pas mal les performances. Parmi les 404, DS, R16, etc., à ce petit jeu aucune n’avait un avantage significatif. Même les Arondes ne s’en tiraient pas si mal.
C’était extrêmement stressant.
Ce qui revenait dans les conversations et ce que mesuraient scientifiquement les revues automobiles c’étaient les reprises. La vitesse de pointe était assez accessoire. On n’avait guère l’occasion de l’atteindre. Même la tenue de route, sur ce terrain, ne faisait guère la différence. Le freinage si, par contre. Sur ce plan tout le monde savait que la 404 était bien meilleure que la DS.
Un autre thème alimentait les conversations des hommes : la moyenne. Tel se vantait d’avoir fait du tant de moyenne sur Paris-Bordeaux. Tel autre racontait que des travaux ou un bouchon avaient fait chuter sa moyenne sur son Lyon-Grenoble. Tel autre donnait ses astuces (comment éviter telle agglomération, à quelle heure rouler, quel itinéraire prendre) pour garder sa moyenne. En famille, faire pipi, s’arrêter pour déjeuner, prendre de l’essence étaient autant de trucs qui faisaient chuter la moyenne.
Dans tout ça, avec ses performances placides, la DS n’avait pas de réel avantage… sinon pour les passagers grâce à son confort hors pair. Tandis que la mère de famille, à la place du mort, était arc-boutée sur sa pédale de frein virtuelle, à l’arrière on pouvait se foutre royalement des soucis subalternes du conducteur.
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