La fabrication des intérieurs cuir des DS Pallas, par le Docteur Danche

Comme vous le savez (voir par exemple ce lien), le cuir marron apparait sur DS en finition Pallas, au millésime 65, dans sa version dite "cuir naturel" (ou "fauve", selon les appellations).

Puis, pour les millésimes 71 à 75, le cuir prendra une teinte distinctement plus foncée dite "tabac".


Bon alors maintenant, place au mystère, voici la question: pourquoi Citroën a-t-il décidé de ce changement de teinte?

Autant pour les tissus, on peut admettre une certaine logique aux évolutions, année après année: par exemple, en 1965, le tissu est rouge très vif, tandis qu'en 1966 il devient rouge un peu plus foncé, mais c'est en fait pour suivre le mouvement des teintes des caisses (du Rouge Carmin AC411 en 1965 au rouge Cornaline AC419 en 1966).

Mais pour le cuir, il n'y a pas de changement particulier de teinte, au millésime 71, qui le justifierait. Alors?

Alors la réponse est "je ne sais pas".

Le mystère est donc entier, et j'attends avec impatience toute thèse ou information: je vous rappelle mon adresse mail: docteurdanche@orange.fr

A ce jour, j'ai juste recueilli deux témoignages dans ce domaine.

Le premier émanait d'un ancien de chez Citroën, qui m'a révélé sous le sceau du secret que les premiers cuirs (à partir de 65) provenaient de vaches allemandes, mais qu'une rupture de stock apparue début 70 aurait conduit Citroën à se réorienter vers des vaches françaises. D'où, selon lui, une teinte différente, et une qualité inférieure.
Mais j'ai quand même du mal à admettre que les vaches de nos terroirs soient inférieures aux ruminants teutons.

Le second témoignage était plus intéressant. Là encore, c'était un ancien de Javel, un certain Baumann, qui pour sa part et malgré son patronyme Alsacien, ne se fit pas l'apôtre de la qualité de fabrication outre-Rhin.

Il me révéla en fait, après quelques Schnaps, que les petites finitions cuir (et notamment les dragonnes) étaient en réalité fabriquées dans une officine familiale, à proximité immédiate du quai de Javel. Il me cita même l'endroit.

Ci dessous c'est le plan de l'époque. En noir, j'ai figuré le tracé approximatif de l'implantation des usines Citroën (aujourd'hui recouvertes en partie par le Parc André citroën). Et le gros point rouge, en haut à droite, localise l'officine, à l'angle rue st Charles et rue Ginoux.





Avec mes camarades du CESCQUAL (Club des ESthètes Citroên du QUArtier Latin), nous sommes allés à l'hiver 2007 en pélérinage sur place. Et là, ô surprise, l'endroit était encore (plus ou moins) en activité!

Et ci-dessous vous avez donc un témoignage émouvant du temps qui passe: une DS21, intérieur cuir, qui retrouve l'endroit où furent fabriquées ses dragonnes Pallas!

 

 

 

Un peu plus tard j'ai eu la chance d'avoir un contact avec Hervé, qui tient cet établissement de sellerie:
https://www.facebook.com/ETS.PHILIPPE

Voici ce qu'il a pu ajouter:

A cette époque les ateliers de sellerie étaient intégrés chez les constructeurs, et l'approvisionnement en cuir ou tissu était vital. Une rupture de stock aurait été catastrophique. Alors de ce fait les gros constructeurs avaient souvent plusieurs fournisseurs au cas ou.
Les tanneurs européens capables de faire de gros volumes de production ne manquaient pas et j'imagine très bien Citroen acheter a différents endroits ses cuirs. Le tannage, la teinture et la finition étaient clairement définis et n'importe quel tanneur pouvait le produire.

Dans le métier à l'époque nous les selliers appelions ce type de cuir "cuir brûlé" a cause de ce traitement de surface qui donnait une teinte plus sombre sur les parties en relief du cuir. Ce cuir était très courant a l'époque d'ailleurs quand Citroën a arrêté la production des DS le marché professionnel s'est trouvé inondé de ces cuirs alors hors-cours et bradés . J'en avais acheté un gros stock a l'époque que j'ai fini par épuiser petit a petit.

Autre chose: les cuirs automobiles employés a l'époque étaient beaucoup plus raides. Ne pas confondre épaisseur et raideur. Aujourd’hui la clientèle réclame des cuirs plus "soft" et même les reproductions de cuirs anciens n'échappent pas a cette donne. Les selliers d'aujourd'hui s'en trouvent satisfaits car un cuir souple est plus facile a travailler.
Personnellement je trouve qu'un cuir ferme se tient mieux dans le temps et n'est pas plus difficile a travailler qu'un autre.
Les cuirs utilisés pour les DS étaient tannés avec des substances végétales qui leur donnait une agréable odeur boisée. Aujourd’hui tannés aux sels de chrome les cuirs ne sentent plus rien sauf s'ils sont parfumés artificiellement.

Les tanneries Costil a Pont Audemer produisaient ce cuir, je me souviens très bien avoir eu cette information par un représentant en cuirs de l'époque, Monsieur Jacques GONET: http://webmuseo.com/ws/pnr-seine-normande/app/collection/expo/80

Que les dragonnes en cuir aient pu être produites par un sellier local c'est possible mais cela m'étonne un peu, étant donné les capacités de production de Citroen.

Pendant mon activité professionnelle j'ai refait un jour une  sellerie de DS Chapron Palm Beach, les vieux cuirs  portaient sur l'envers l'estampille Connolly, un tanneur anglais.