mémoires de la PJ: Charly l'Américain

Charly l'Américain, son truc, c'étaient les coffre-forts.

Il y avait certes un risque, mais au moins comme ça on ne se déplaçait pas pour rien.

 

Charly se trimbalait uniquement en DS; celle-ci c'est une noire à toit gris et helanca bleu, qu'il avait gaulée à un cave qui revenait du ski.

 

Un gars de la PJ, un certain Danche, qui était fin connaisseur des Citrons, avait surnommé notre homme "Charly le Helanca", rapport à sa préférence pour les intérieurs.

 

Mais Bohmann, le principal, qui était un peu dur de la feuille, avait pas trop compris le sobriquet, et il croyait dur comme fer qu'il fallait dire "Charly America".

A la fin, comme cétait pas facile de contredire Bohmann, et qu'il fallait bien qu'on accorde nos violons, tout le monde s'était entendu pour dire "Charly l'Américain".

 

 

A chaque fois, on retrouvait dans les DS des indices derrière Charly, mais il n'y avait jamais moyen de le serrer.

Et puis un jour de Décembre 60, à Grenoble, on lui a mis la main dessus, à Charly l'Américain, et dans sa nouvelle DS, encore.

Mais il était refroidi.

 

 

Quand il a su ça, Bohmann est vite arrivé sur place.

Danche lui a fait constater que Charly avait mis son disque de stationnement Labo: feu Charly était en règle.

C'est vrai que ça aurait été trop bête de se faire épingler pour un PV de stationnement.

Bohmann a ensuite demandé à voir les loges du spectacle.

 

Pourtant il détestait être dérangé comme ça quand il sortait de table.

En tout cas le cas était clair, un bon vieux règlement de compte, au calibre 22. Le légiste ne ferait que confirmer tout ça.

 

Danche nous a alors sorti sans respirer que la dernière DS de Charly, c'était une DS19 bleu monte-carlo, toit aubergine, helanca bleu, du début de millésime 61: elle avait la tirette de sièges du millésime, mais pas encore le macaron du double chevron sur la boite à gants.

Il a ajouté que Charly ayant lâché la rampe en Décembre 60, jamais il ne connaitrait le 83cv de Mars 61.

 

Bohmann a renvoyé Danche chez maman, tout ce fatras ne lui servait à rien.

 

 

 

Quelques semaines plus tard, après une filature de routine, le lieutenant Volubilis, déguisé en boulanger, a serré Jéjé le Grêlé sur un marché.

Pas d'alibi, l'arme du crime dans le grimpant, Jéjé l'avait dans l'os.

Et on peut dire que Jéjé, il avait la gueule de l'emploi: une vraie tronche de truand, et habillé en deuil par dessus le marché.

 

Et hop, on a amené Jéjé sur les lieux pour une petite reconstitution.

C'était le spectacle du mois à Grenoble.

 

Ils avaient jamais vu ça dans l'impasse, tout le monde était aux fenêtres.

 

Ricou nous avait fourni une DS copie conforme de celle de Charly: en cas d'écart de modèle avec l'originale, les baveux nous faisaient toujours des histoires.

Le menuisier en face, E Bron, était celui qui avait cloué les 4 planches de la dernière demeure de Charly.

Il aurait bien gardé la DS là ensuite pour se faire de la réclame.

On avait fait venir pour la reconstitution un saltimbanque, un macaroni du nom de Vermolini.

Il surjouait à mort, et Jéjé secouait la tête pendant ce temps là, je crois qu'il l'aurait bien descendu aussi.

 

Puis on a pris toutes les photos, c'était un dossier bien ficelé, et on allait partir.

 

Mais tout d'un coup Bohmann a eu comme une fulgurance, et a piqué une colère noire.

 

Il a alors grondé: "Bordel de merde, Danche, allez vérifier la DS!"

 

Et Danche y est allé.

Et c'était clair et net, on s'était foutus de notre gueule chez Ricou: c'était clairement pas une DS identique à celle du crime!

 

Helanca gros motif, déjà.

Et puis les custodes aubergine!

Danche a ajouté un truc du genre: "avec ses ailes cendrier et ses ailes arrière longues, cette DS est sans doute de l'été 59 pour avoir encore le helanca gros motif et ces custodes lisses assorties au toit, hors finition administration, qu'on ne trouve que sur millésime 59."

Mais Bohmann n'en avait que pouic, c'était clair qu'on était bons pour recommencer de zero la reconstitution avec une autre DS.

Encore un week end de foutu.

 

 

Pour lire la vraie histoire du meurtre de Charly l'Américain, c'est ici, sur le site du dauphiné:

https://www.ledauphine.com/culture-loisirs/2019/12/22/le-meurtre-de-charly-l-americain-(i)-pas-de-noel-pour-les-gangsters

 

Et la rue du crime, la rue Mayen à Grenoble, se reconnait très bien: voir ici.
bonne visite!